Deux couples d’amis dans la quarantaine, François-Xavier Joutras et Sophie Boisclair ainsi que Modeste Provencher et Marguerite Saint-Pierre, subirent un terrible sort lors d’une soirée du début novembre 1866. Marguerite était à prendre un coup de whisky offert par Sophie quand, se sentant soudainement très mal, elle s’agrippa au bras de son mari. Reconnue pour sa santé de fer, Marguerite décède pourtant le 6 novembre, dans d’atroces souffrances.
Forcé de briser maison, Modeste est accueilli à bras ouverts par le couple d’amis. Le mari de Sophie se trouvant souvent hors de la maison pour le travail, Modeste et Sophie sont laissés à eux-mêmes, tandis que Joutras développe rapidement des problèmes de digestion et se sent de plus en plus faible. Plusieurs crises se succèdent et empirent, mais les médicaments parviennent à contenir les douleurs. Joutras souligne au médecin consulté que c’est toujours à la suite d’un verre d’alcool offert par sa femme que son état s’envenime.
Le soir du 31 décembre 1866, Joutras agonise, suppliant par trois fois sa femme d’aller quérir le médecin. Sophie Boisclair envoya Modeste chercher le médecin, mais trop peu trop tard : Joutras passe l’arme à gauche.
Dans la famille, les proches sont perplexes quant aux circonstances entourant cette mort. Une enquête est ouverte et une autopsie est pratiquée par un médecin-légiste qui, dès la mi-janvier, conclut à un empoisonnement à la strychnine*.
On écroue immédiatement Modeste Provencher et Sophie Boisclair pour le meurtre de F.-X. Joutras. On démontre même l’existence d’une liaison précédent les événements. L’enquêteur évoque rapidement le complot des deux concubins et fait exhumer le corps de Marguerite Saint-Pierre pour le faire examiner, sans conclusion toutefois. Onze jours suffisent pour faire condamner à mort Modeste Provencher, qui sera pendu à Sorel quelques mois plus tard devant 7000 badauds. Enceinte, Sophie Boisclair verra sa peine commuée en incarcération à perpétuité et, après 21 ans de prison, elle sera internée à l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu.
Voilà un fait divers qui marqua l'histoire judiciaire québécoise, puisque ce fut le premier procès pour empoisonnement à la strychnine et le premier témoignage d’experts médecins légistes.
*La strychnine, très longtemps utilisée pour éradiquer la présence de rats, de renards ou de corbeaux, est un poison très puissant, létal à petite dose.