Vous vous trouvez maintenant devant le palais de justice de Mont-Laurier. Comme pour la cathédrale, la genèse du Palais de Justice se retrouve dans le conflit entre Nominingue et Mont-Laurier. Car avant de perdre le statut de diocèse face au village de la Lièvre, Nominingue avait perdu en 1910 la bataille pour l’obtention du statut de chef-lieu du district judiciaire.
C’est encore une fois grâce au curé Génier que Mont-Laurier est choisi pour l’établissement d’un palais de justice qui desservira cette partie de la province. Dès 1907, le curé multiplie les visites et les lettres envoyées au Canadien Pacifique pour obtenir le prolongement de la ligne de chemin de fer de Nominingue jusqu’à Mont-Laurier. L’obtention d’une gare était primordiale pour l’avenir d’un district judiciaire établi sur la Lièvre et, à ce moment-là, Nominingue a donc un avantage considérable face à Mont-Laurier. Mais les efforts du curé Génier portent fruit. Après s’être entretenu avec le premier ministre du Québec, Lomer Gouin, le curé obtient de celui-ci la promesse qu’il interviendra auprès du Canadien Pacifique et de Wilfrid Laurier pour assurer le prolongement du train jusqu’à la paroisse de Génier. En 1909, la gare de Mont-Laurier ouvre ses portes. Le bon curé a maintenant toutes cartes en main pour faire du village le haut-lieu judiciaire des Hautes-Laurentides.
Toujours en 1909, le curé Génier va faire un voyage jusqu’à Ottawa pour plaider sa cause devant le premier ministre Wilfrid Laurier. Si les arguments de Génier sont sûrement convaincants en soi, il ne manque pas de mentionner que les habitants du village, jusque-là appelé Rapide-de-l’Orignal, songeait à renommer la localité « Mont-Laurier » en l’honneur du premier ministre. On ne peut dire si c’est ce pot-de-vin qui convainquit Laurier, mais toujours est-il que l’année suivante, en 1910, suite aux pressions exercées par le premier ministre canadien, la localité nouvellement baptisée Mont-Laurier est désignée comme chef-lieu judiciaire de la vaste région.
Le gouvernement du Québec fait l’acquisition d’un grand terrain sur la rue principale du village dans le but d’y établir le palais de justice. La construction débute en 1912 selon les plans de l’architecte gouvernemental Elzéar Charest, également responsable des plans de l’hôtel de ville de Québec. Au village, la direction des travaux est confiée à Joseph Gosselin de Lévis. C’est lui qui a l’idée de remplacer la pierre brossée prévue dans le plan d’origine par de la pierre écossaise, question d’améliorer l’esthétisme du bâtiment. L’édifice ouvre finalement ses portes en 1913 et accueille immédiatement 13 prisonniers.
S’il y a eu un procès extraordinaire au palais de justice de Mont-Laurier, c’est bien celui de Édouard Thomas dit Tranchemontagne. Ce dernier, employé sur la ferme d’Arthur Nantel à l’Annonciation vers 1930, a une aventure avec la femme de son patron. Maria, l’épouse en question, racontait constamment à Tranchemontagne que si son mari mourrait, lors d’un accident de chasse ou quelque chose du genre, lui et elle pourraient être ensemble et heureux. Thomas finit par céder et assassine le mari de son amante, avant de prendre la poudre d’escampette. Il est arrêté quelques temps plus tard et subit son procès au palais de justice de Mont-Laurier. Le verdict : coupable. Tranchemontagne est condamné à la pendaison, chose qui se fera le 22 mai 1931. C’est là, la seule instance de pendaison dans l’histoire du village.