Narration
Un des fameux moulins à scie de Scotstown est construit en 1875 sur les magnifiques berges de la Rivière au Saumon, aux abords d’une chute naturelle, tout près du chemin Victoria Est.
La Glasgow Canadian Land and Trust Company vend ses opérations et son moulin à scie à la Great Northern Lumber Company en 1903 qui l’opère jusqu’en 1909. C’est Guelph Cask And Plywood Company qui rachète les édifices en 1909.
En pleine essor, elle établit ses opérations sur les deux rives et y construit une cheminée en brique. En 1910, l’entreprise prospère, bastion qui témoigne de l’industrie du bois au coeur de la ville, compte jusqu'à 300 emplois en forêt et plus de 200 emplois au moulin de placage.
Le moulin à scie ferme ses portes en 1959.
À noter que le contreplaqué de bouleau jaune qui orne l'intérieur de l'église presbytérienne St-Paul de Scotstown provient de cette manufacture, en témoignage d'une industrie locale révolue.
Remontons le temps…
ANGUS
Ça te fait pas peur, James, que la Great Northern Lumber Comapny soit remplacée par la Guelph Cask Veneer and Plywood Company?
JAMES
J’ai pour mon dire que l’ouvrage c’est l’ouvrage, peu importe qui fournit le salaire.
ANGUS
Certains jours je me dis que j'aimerais mieux vivre en ville.
JAMES
Voyons Angus, ce que tu dis m’étonnes…
ANGUS
D’abord en ville, le travail est partout.
Les usines, les magasins, les entreprises, y'ont toujours besoin de bras.
JAMES
Ah ça, je te l’accorde.
ANGUS
Pis en ville, y'a plus de distractions aussi.
Les grands parcs, les bars, les commerces spécialisés, les théâtres…
JAMES
Oui mais en ville, les gens sont pressés, les policiers sont partout, les taxes sont plus élevées pis dernièrement, ma cousine me contait que les loyers sont hors de prix.
ANGUS
Par contre les salaires sont meilleurs!
JAMES
C'est vrai, mais ici on est plus près de la nature.
C’est pas en ville qu’on pourrait prendre notre pause en ayant une aussi belle vue sur la rivière.
Ici on peut aller pêcher d’la truite, chasser la perdrix, cueillir des petits fruits.
On peut respirer de l'air pur pis ça a pas de prix ça.
Pis pour nous autres, ouvriers, c'est pas tellement une question de choix.
C'est une question d'argent.
On peut pas déménager en ville si on en a pas les moyens.
Pas parce tu vis là-bas qu’on va te lancer de l’argent par la tête.
Fais pas honte à nos pauvres pères pis leurs camarades, les Scott, Mackenzie, McIver et compagnie, qui ont bâti cette ville.
Certains y ont laissé leur peau.
Mon grand-père Liam est mort quand l’arbre qu’il coupait lui est tombé dessus en défrichant sa terre.
On vit peut-être pas en ville mais nos ancêtres ont trimé dur pour que nos terres soient pleines de promesses.
ANGUS
T’as raison.
Mais je trouve quand même que nos conditions de travail sont dangereuses pis ça devient irritant, à l’usure.
Je me suis déjà coupé plusieurs fois avec les scies pis on connait tous les deux des hommes qui ont perdu des doigts.
T’auras beau me vanter les mérites de la campagne, on peut pas faire un sac de soie avec des oreilles de cochon.
JAMES
T’es déprimé mon Angus.
Reprends sur toi pis arrête de penser que l’herbe est toujours plus verte en ville parce que je peux te garantir que l’herbe est plus verte à Scotstown qu’à Montréal ou à Québec!
ANGUS
Ouin peut-être...
On peut juste espérer que les nouveaux patrons de la Guelph Cask Veneer and Plywood Company vont nous garantir assez d’ouvrage pour assurer les beaux jours de nos familles.
JAMES
Mais en attendant, on peut toujours essayer de faire avec ce qu'on a.
Trouver des petits bonheurs ici et là.
ANGUS
En tout cas si j’déménage je vais m’ennuyer de toi mon vieux.
JAMES
J’imagine!… À qui tu vas te plaindre pendant la pause, hein?
Bon, assez médité en regardant la rivière couler. C’est l’heure de retourner à l’ouvrage.
On entend le bruit des moulins à scie.