Rivière Matane – Rivière Sauvage
Les rivières sauvages changent, modifient leur parcours en entraînant avec elles le sable et les galets de leur lit. Or, les villes qui sont traversées par une rivière doivent en conséquence domestiquer le courant et leur imposer de couler dans des limites.
Les barrages ont comme effet de ralentir la descente de l’eau, donc de lui enlever la force qui lui fait charroyer tout ce sable et ces galets qui viennent se déposer dans le lit de la rivière et finissent par former des îles artificielles. Ce qui fait notre joie et celle des enfants d’aujourd’hui était un casse-tête pour les industriels du sciage qui voyaient, avec les années, leur étang de moulin s’ensabler et former des îlots.
Jeux pour enfants, piste de patins à roulettes, location de canots et de pédalos, golf miniature…le parc abrite aussi d’étranges sculptures qui s’intègrent aux activités de loisirs.
Un sculpteur sur métal, Léonard Bouffard, avait déjà fait don à la ville d’une de ses œuvres monumentales, et un symposium s’y est tenu, laissant les souvenirs des artistes participants. L’animation créée pendant un été avait rapproché la population de cette forme d’art contemporain.
Un jeu bien dangereux
J’ai appris tout récemment que le pont du Centre-ville portait le nom de Marie-Marsolet. Saluons l’initiative, en lien de pensée avec le nom du barrage Mathieu-D’Amours. Marie était l’épouse de ce monsieur, premier seigneur de Matane. C’était toute une femme! Elle a même tenu tête au gouverneur Frontenac qui avait fait emprisonner son mari, un membre du Conseil Souverain!
Et le barrage? Tous les moulins qui pouvaient se construire le long d’un ruisseau ou d’une rivière se construisaient un barrage pour se former un étang et faire flotter les billots qui devaient être dirigés vers les scies. D’une part ils devenaient faciles à manier dans l’eau et d’autre part, le fait de tremper les nettoyait des cailloux qui auraient endommagé les dents de scie.
L’été, quand l’étang était rempli de billots, et les enfants allaient courir là-dessus pour traverser la rivière. C’était un jeu, probablement dangereux vu de nos yeux d’aujourd’hui, mais c’était une autre époque.
La compagnie est partie et nous continuons à entretenir le barrage. Pourquoi ne laisse-t-on pas couler la rivière? Pour garder le paysage des îles qui se sont formées et qui ont été organisées en parc récréatif original. Mais aussi et surtout pour contrôler le débit d’eau de la rivière, au printemps, à la fonte des neiges. Cent kilomètres de rivière qui descendent des montagnes et arrivent au centre-ville pourraient tout détruire et changer le paysage urbain en un temps record!
En contrôlant le débit des eaux, on s’assure une certaine sécurité. Les îles de la rivière ne s’en portent que mieux, le barrage faisant obstacle au courant qui les a construites et qui les emporterait. Le Barrage permet le passage de mille litres cubes d’eau à la seconde.Dans les chaleurs de l’été, il en coule parfois aussi peu que sept mètres.Il y a quelques années, le débit est déjà monté à 997 mètres cubes seconde. On avait frôlé la catastrophe!
Remonter le barrage à l’aide d’échelles à poisson
Pourquoi « migratoire »? Parce que le saumon migre, qu’il vient de l’océan pour remonter dans sa rivière et s’y reproduire. Bien que le saumon n’hésite pas à sauter des chutes assez hautes, il ne peut plus passer quand il fait face au mur d’un barrage. C’est pourquoi il a fallu lui construire des échelles à poisson, des « fish ways ». C’est une sortie aménagée dans le barrage où l’eau descend en rencontrant des obstacles, mais qui seront étalés ainsi jusqu’à la tête du barrage.
Pour se développer, les œufs du saumon doivent être protégés des eaux salées de l’océan et du fleuve. Adulte, le saumon revient dans sa rivière pour retrouver les eaux pures et chaudes. Le mâle construit un nid au fond de la rivière en déplaçant des pierres avec sa mâchoire inférieure pour que les œufs ne soient emportés par le courant.
Au bord des étangs des moulins on retrouvait toujours ces échelles à poissons, comme ici, à Matane, où le chemin à poissons favorise non seulement le poisson, mais aussi le visiteur venu contempler le roi de nos eaux dans sa migration vers les eaux tranquilles de la tête de la rivière, lors de son passage dans la vitrine à saumon.