Permettez-moi d’attirer votre regard au bout du chemin qui se trouve devant vous. Remarquez-vous l’étrange petite cheminée tronquée et le bâtiment adjacent fait de briques rouges ? Il n’y a pas si longtemps, ces constructions faisaient partie intégrante d’une vaste usine de transformation du textile : la Goodyear. À vrai dire, la manufacture était si grande qu’elle s’étendait de la rue Vadeboncoeur à votre gauche, jusqu’au boulevard Laframboise à votre droite.
Cet imposant bâtiment a logé des entreprises spécialisées dans la fabrication de textile destiné à la confection de produits en caoutchouc. Vous savez sans doute que Goodyear est un important concepteur de pneus automobiles. Quel est le rapport avec le textile, me direz-vous ?
Un pneu est composé de plusieurs couches de caoutchouc, dont une qui est renforcée par des fibres de textiles. Dans ce procédé, les ingénieurs priorisent des tissus comme le nylon, l’aramide, le polyester ou le coton, qui possèdent des qualités isolantes et thermiques. Afin d’intégrer ces fils de tissus au caoutchouc des pneus, des ouvriers doivent transformer la matière brute dans des usines comme la Manhasset, établie à Saint-Hyacinthe en 1920 et rachetée par la Goodyear en 1926. Les bobines de tissus ainsi fabriquées sont ensuite exportées par train vers une autre chaîne de production qui s’occupe de confectionner des pneus et autres produits de caoutchouc.
Cela dit, l’usine de la Goodyear n’est pas une simple manufacture de textile comme on en retrouve un peu partout au Québec à cette époque. En 1929, au moment de son agrandissement, elle représente près du tiers de la superficie totale des usines Goodyear au Canada. En 1946, la manufacture emploie près de 800 employés, dont 229 femmes, répartis dans sept départements différents. Il s’agissait alors de la plus importante industrie établie à Saint-Hyacinthe. Mentionnons que le chanteur country Willie Lamothe, comme plusieurs autres jeunes Maskoutains, a fait ses premiers pas sur le marché du travail à la Goodyear.
À cette époque, comme la plupart des grandes manufactures, la Goodyear déploie beaucoup d’énergie à développer un sentiment d’appartenance auprès de ses ouvriers. À cette fin, les entreprises organisent des pique-niques annuels et des dépouillements d’arbre de Noël. La Goodyear ira encore plus loin puisque dès 1930, elle publie un journal hebdomadaire intitulé le Clan du Wingfoot. Chaque numéro s’adresse spécialement aux travailleurs de Saint-Hyacinthe afin de relater les nouvelles de l’entreprise.