Au jardin de l'Enfance

Peek-a-boo villa

Peek-a-boo villa. L’Auberge du Porc-épic, villa cachée. The Parsonage, villa voisine de l’église Saint James.

Vers la fin du XIXe siècle, il y avait à Cacouna plusieurs sortes d’hébergement… Parmi celles-ci, de simples villas divisées en logements et en chambres pouvaient accommoder les familles moins riches.  Ces villas ressemblaient parfois à de spacieux cottages.  Nichées dans les arbres, tantôt cachées entièrement dans la verdure, tantôt à demi voilées par les branches d’arbres, toujours miroitant dans des bosquets, ces demeures étaient recherchées par les vacanciers et adorées par les enfants.

Nelligan accompagne sa correspondance envoyée au Monde illustré en mai 1897 de l’inscription : «de Peek-a-boo Villa». Le surnom de «Peek-a-boo» vient directement de l’anglais.  La villa qu’on appelle ainsi devait faire partie d’une agglomération d’habitations où prévalait l’ethnie anglaise.  Tel était le quartier de Cacouna entre l’église Saint James the Apostle et les environs de l’hôtel Saint Lawrence Hall.  Sans pouvoir exactement identifier la villa en question, l’environnement actuel de ces villas d’antan nous révèle encore le charme particulier que le poète adolescent y a rencontré.

Source photo :
Photos Yvan Roy


 


Les jardins de Cacouna

Jardins de la villa Airlie donnant sur le majestueux fleuve Saint-Laurent.

Nelligan évoque, dans le poème qui nous intéresse, les jardins de Cacouna auxquels s’associe cette «vieille villa» bucolique où il a passé quelques-unes de ses vacances d’été.

Source photo:
Ann Arkell, 2013
 


« Le Jardin d'antan »


« Le Jardin d’antan »


Rien n’est plus doux aussi que de s’en revenir
Comme après de longs ans d’absence,
Que de s’en revenir
Par le chemin du souvenir
Fleuri de lys d’innocence
Au jardin de l’Enfance.

Au Jardin clos, scellé, dans le jardin muet
D’où s’enfuirent les gaîtés franches,
Notre jardin muet,
Et la danse du menuet
Qu’autrefois menaient sous branches
Nos sœurs en robes blanches.

Aux soirs d’Avrils anciens, jetant des cris joyeux
Entremêlés de ritournelles,
Avec des lieds joyeux,
Elles passaient, la gloire aux yeux,
Sous le frisson des tonnelles,
Comme en les villanelles.

Cependant que venaient, du fond de la villa,
Des accords de guitare ancienne,
De la vieille villa,
Et qui faisaient deviner là,
Près d’une obscure persienne,
Quelque musicienne.

Mais rien n’est plus amer que de penser aussi
À tant de choses ruinées!
Ah! De penser aussi, Lorsque nous revenons ainsi
Par sentes de fleurs fanées,
À nos jeunes années.

Lorsque nous nous sentons névrosés et vieillis,
Froissés, maltraités et sans armes,
Moroses et vieillis, et que, surnageant aux oublis, S’éternise avec ses charmes
Notre jeunesse en larmes!

 


Portrait

Nelligan publie ses premiers écrits poétiques à l’été de ses 16 ans, en 1896.  On perçoit bien, dans ce portrait le représentant à cet âge, le «rêveur qui passe» et «ce qu’il fut de candeur sous ce front simple et fier, et de tristesse dans ce grand œil gris qui pleure!», tel qu’il se décrit lui-même dans ce poème.  

«Rédigé à l’occasion de la mort de Rodenbach, ce poème traduit en même temps, à l’état voilé, la sensibilité et le mélancolique destin du rêveur.  Frissonnant, inondé de blancheur, semé d’étoiles, marqué d’or, un monde s’ouvre alors au rêve verticalement.»  (P.W., Écrivains canadiens d’aujourd’hui, p.37)

Source photo : Portrait au pastel sec exécuté à l’automne 2003 par la portraitiste bas-laurentienne Nathalie Caron à partir d’une photo de Nelligan à 16 ans (1896)
 


« Un poète »


« Un poète »


Laissez-le vivre ainsi sans lui faire de mal!
Laissez-le s’en aller; c’est un rêveur qui passe;
C’est une âme angélique ouverte sur l’espace,
Qui porte en elle un ciel de printemps auroral.

C’est une poésie aussi triste que pure
Qui s’élève de lui dans un tourbillon d’or.
L’étoile la comprend, l’étoile qui s’endort
Dans sa blancheur céleste aux frissons de guipure.

Il ne veut rien savoir; il aime sans amour.
Ne le regardez pas! Que nul ne s’en occupe!
Dites même qu’il est de son propre sort dupe!
Riez de lui!... Qu’importe! Il faut mourir un jour…

Alors, dans le pays où le bon Dieu demeure,
On vous fera connaître, avec reproche amer,
Ce qu’il fut de candeur sous ce front simple et fier,
Et de tristesse dans ce grand œil gris qui pleure!
 

Appartenance à la terre

C’est bien plus que de vagues souvenirs que ses étés passés à Cacouna entre terre et mer ont ancré en lui et dans sa poésie.

«Ses "Virgiliennes" sont plus que de simples croquis champêtres : le collégien y inscrit, poétiquement, son sentiment profond d’appartenance à la terre.  Jeune, marqué d’une mélancolie précoce, il allait garder dans sa mémoire les couleurs des champs et les murmures des flots cueillis entre l’anse au Persil et la Fontaine Claire.  Cette appartenance à la terre ancestrale devient particulièrement significative (…) lorsque le poète invente ingénieusement la chute de son sonnet «Rêve de Watteau» :

«Et parfois, radieux, dans nos palais de foin,
Nous déjeunions d’aurore et nous soupions d’étoiles.»

Au pays du porc-épic a vécu, au couchant du XIXe siècle, le poète Émile Nelligan.»
(Paul Wyczynski, «Au pays du porc-épic» dans Nelligan à Cacouna, p.32-33)

Source photo :
Edward Jump, Canadian Illustrated News, 09-07-1870, p.28, gravure coloriée à la main, coll. Mrs. Hugh Welsford
 

Extrait de
Sur les traces de Nelligan

Sur les traces de Nelligan image circuit

Présenté par : Corporation de développement de Cacouna

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