L’abbé Louis-Philippe Delisle : ce qu’on a écrit lors de son décès
L’abbé Louis-Philippe Delisle, décédé le 26 juin, à l’Hôpital Saint-François d’Assise, était né à Lévis, le 3 juin 1857, de Pierre-Célestin Delisle et de Julie Lacroix. Après un cours élémentaire, il commença à gagner sa vie du travail de ses mains. M. l’abbé Théophile Montminy, alors vicaire à Beauport, devina en lui une vocation sacerdotale et le conduisit au Collège de Sainte-Anne au mois d’avril 1875.
Il avait dix-huit ans, et les travaux qui l’avaient occupé depuis sa sortie de l’école l’avaient peu préparé à suivre un cours classique. N’importe, il se mit à l’œuvre avec l’ardeur et l’énergie d’un vaillant jeune homme qui entrevoit, pour couronnement de ses efforts, la dignité du sacerdoce. N’allez pas croire que les difficultés de l’entreprise assombrissaient son humeur : jamais écolier ne fut plus gai et plus aimable compagnon. Il était alors, ce qu’il fut toujours, d’une franchise proverbiale et d’une bonhomie qui lui gagnaient l’estime et la confiance de tous.
Ses efforts furent couronnés de succès; après six années de travail ardu, il terminait son cours classique et endossait la soutane. Le 23 juin 1886, Mgr Taschereau, récemment nommé cardinal, lui donnait l’onction sacerdotale dans la basilique de Québec.
Il fut successivement vicaire à N.-D. de Lévis, de 1886 à 1891, et à Saint-Roch de Québec, de 1891 à 1894. En 1894, il était nommé desservant de Saint-Zéphirin de Stadacona, et curé de cette jeune paroisse en 1894. En 1902, il venait prendre possession de la cure de la Rivière-Ouelle qu’il devait diriger pendant vingt-trois ans.
Dans ces divers postes, il se montra actif, dévoué et débrouillard. Toujours prêt à rendre service, à voler à l’appel d’un malade ou d’un mourant, il remportait quelquefois, dans ce dernier cas, des victoires où d’autres avaient échoué. C’est qu’il n’avait peur de rien, j’en pourrais citer quelques exemples frappants.
Il avait beaucoup de talent pour l’administration des affaires d’une fabrique paroissiale. Sans parler de ce qu’il fit à Stadacona, dans une paroisse pauvre et à ses débuts, je peux citer ses travaux à la Rivière-Ouelle. Là, (1905) il faisait restaurer l’église, installait quatre cloches dans un nouveau clocher, (malheureusement moins beau que celui qu’il remplaçait); introduisait le chauffage central au presbytère, etc.; plus tard, il bâtissait une belle école de Fabrique plus moderne et plus confortable que l’ancienne, et combien d’autres travaux que je ne puis énumérer. Ses paroissiens avaient si grande confiance dans son habileté et sa prudence qu’ils lui laissaient pleine liberté de faire ce qu’il jugeait opportun, et je puis ajouter qu’il ne trompa pas leur attente.
Sa charité était grande; il dépensait les revenus de sa cure et ses propres ressources pour différentes bonnes œuvres, surtout pour l’œuvre de l’éducation. Le Collège de Sainte-Anne le compte au nombre de ses bienfaiteurs généreux, et plus d’un prêtre aujourd’hui et plus d’une religieuse lui doivent d’avoir pu suivre leur vocation. L’an dernier, il avait la douleur de voir mourir, avant lui, un neveu prêtre de grands talents, qui avait pu faire ses études grâce aux libéralités de son oncle.
Il aimait les belles choses et les beaux chevaux, ce qui n’était pas pour le rendre moins populaire dans sa paroisse de la Rivière-Ouelle, où les amateurs de ces nobles bêtes ne font pas défaut.
Après trente-neuf ans de ministère actif, il sentit lui aussi le poids de l’âge et de la maladie. Depuis trois ou quatre ans, il souffrait d’angine de poitrine et se vit condamné à restreindre dans les limites du strict nécessaire les travaux de son ministère.
Il était déjà bien affaibli et cassé, quand survint le fameux tremblement de terre du 28 février 1925. À la Rivière-Ouelle, ce fut un désastre : église aux trois quarts démolie; presbytère disloqué, etc. C’était vraiment trop de ruines à réparer pour M. Delisle; il donna sa démission. Au mois d’avril, il laissait la place à un jeune curé plein de vigueur. Pour lui, après vingt-trois ans de séjour à la Rivière-Ouelle, il disait adieu à ses paroissiens auxquels il s’était fortement attaché et eux virent s’éloigner avec douleur ce pasteur dévoué et sympathique avec qui ils avaient vécu si longtemps dans une harmonie jamais troublée par aucune note discordante.
Depuis un an, M. Delisle vivait au presbytère hospitalier de Saint-Roch de Québec, rendant encore, à l’occasion, quelques services à son bon ami Mgr Lagueux. Il y a quelques semaines, sa maladie s’aggravant, il dut se faire transporter à l’hôpital où il vient de décéder paisiblement.
C’est une belle carrière de prêtre qui vient de se clore, carrière bien remplie et féconde. On ne s’attend pas à trouver des événements sensationnels dans une vie de curé : il fait beaucoup de bien sans faire de bruit et, au terme, il trouve, pour le recevoir, Celui qui a dit : «Viens, bon et fidèle serviteur, parce que tu as été fidèle en de petites choses, entre dans la joie de ton Maître.»
Semaine religieuse, du 8 juillet 1926
(Source : Annuaire du Collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, année académique 1926-1927)