La traverse en bac à câble

Traverser la rivière

La traverse en bac a permis de relier les deux rives du Richelieu à compter de l'an 1900 entre Saint-Denis-sur-Richelieu et Saint-Antoine-sur-Richelieu.


Plus d'un siècle de bacs à câble

Article publié le 18 juillet 2012 dans L'Oeil Régional
Par Marie-Philippe Gagnon-Hamelin

Un bac relie les deux rives du Richelieu entre Saint-Denis-sur-Richelieu et Saint-Antoine-sur-Richelieu, depuis 1900. Tout au long du 20e siècle, plusieurs projets de ponts et de routes de contournement ont menacé les trois derniers traversiers à câble du Richelieu. Ces projets n'ont toutefois jamais abouti.

La météo superbe des dernières semaines réjouit Gilles Saint-Onge, le conducteur du traversier entre Saint-Marc-sur-Richelieu et Saint-Charles-sur-Richelieu. «La fin de semaine, c'est comme un comptoir de crème glacée, quand le soleil sort, tout le monde arrive en même temps, on ne sait pas d'où», a-t-il plaisanté.

20 000 traversées par année

Le propriétaire du bac à câble, Denis Dejordy, estime qu'il traverse la rivière Richelieu environ 20 000 fois par année entre avril et décembre. «Ici, ce sont surtout des touristes, alors qu'à Saint-Denis et à Saint-Ours, ce sont plus des travailleurs qui traversent, les villages sont plus actifs.»

Le bac entre en activité environ deux semaines après la fonte des glaces et transporte des passagers entre 6 h et 23 h. Jusqu'à neuf petites voitures peuvent y prendre place.

Des entreprises privées

Les bacs entre les villages de Saint-Marc et Saint-Charles, Saint-Antoine et Saint-Denis, et Saint-Roch et Saint-Ours sont tous exploités par des propriétaires privés. Un passage pour une voiture coûte 4,50$ alors que les piétons doivent débourser 2$.

M. Dejordy est devenu propriétaire de l'embarcation il y a 30 ans. «Le bac n'était pas en activité, tout le monde voulait l'acheter. J'habitais juste à côté, alors j'ai fait une offre.» À Saint-Ours et à Saint-Antoine, ce sont des familles qui se transmettent les traversiers depuis des générations. «Aujourd'hui, il n'y aurait plus de permis accordé pour un nouveau bac. Nous avons des droits acquis», a-t-il ajouté.

Traverser l'histoire

Dans la cabine de l'embarcation, on peut admirer une photo du traversier qui assurait le service en 1905, pour cinq sous le passage «Déjà un câble servait à guider le bac, mais il fallait ramer pour arriver de l'autre côté. Il y avait deux traversiers à l'époque, un de chaque côté de la rivière (Richelieu).»

Selon des documents de la municipalité, le projet a été confié à Christophe Marchessault, qui a imaginé une plate-forme sur deux chaloupes accolées avançant grâce à deux moteurs sur la berge: les chevaux Pampand et Riquette.

La Société d'histoire de Belœil-Mont-Saint-Hilaire a recensé plusieurs bacs entre les deux villes au début du 20e siècle. La construction du pont Laurier dans les années 1940 avait toutefois mis fin à leurs activités.

En hiver

Les traversiers d'antan devaient aussi assurer l'entretien des ponts de glace en hiver. Il ne reste qu'un seul pont de glace, exploité par les municipalités de Saint-Denis-sur-Richelieu et de Saint-Antoine-sur-Richelieu. «Les gens doivent parcourir 17 milles à gauche ou 17 milles à droite pour traverser la rivière. Le pont de glace évite de très longs détours», a expliqué Pierre Pétrin, de la municipalité de Saint-Denis-sur-Richelieu. Le pont de glace ouvre généralement à la mi-janvier.


La traverse

Le document le plus ancien faisant état de la traverse de Saint-Charles-sur-Richelieu date du 7 mars 1814. Vers les années 1850, les traversiers qui reliaient Saint-Charles et Saint-Marc étaient munis de rames et d’une perche qui les empêchaient de dériver. 

Vers 1900, un fil de fer, tendu d’une rive à l’autre et propulsé par une pince en bois, aidait grandement le passeur. 

En 1944, il fut décidé qu’il n’y aurait plus qu’un seul traversier entre Saint-Charles et Saint-Marc. Plusieurs passeurs d’eau et propriétaires se succédèrent.

Tarifs de passage en 1887

Piétons : 2 centins
Voitures simples : 8 centins
Voitures doubles : 15 centins
Bœuf, vaches : 6 centimes
Cheval non attelé, moutons, cochons : 2 centimes

Passeurs historiques

Les capitaines de traversiers sont en voie de disparition le long de la rivière Richelieu. Article paru le 17 août 2015 dans Actualités en société (par Marco Fortier).

Michel Bousquet pratique un métier en voie de disparition. Il pilote un des trois traversiers qui sillonnent la rivière Richelieu depuis plus de deux siècles. À défaut de pont, ces bacs reliés aux deux rives par un câble d’acier sont comme des veines qui permettent à la vallée du Richelieu de respirer, de rester en vie.
 
On le rencontre sur le bateau qui relie les villages de Saint-Denis et de Saint-Antoine, au pays des Patriotes. La peau brunie par le soleil, il respire l’air du large. Calme. Souriant. Il n’a pas l’air stressé.

L'amour du métier

« J’aime mon métier, c’est agréable, mais je ne m’amuse pas, je travaille », raconte le capitaine, qui pratique ce métier depuis 2002. Il a travaillé durant 25 ans dans des épiceries. Il avait besoin de changer d’air. Il a choisi le bon job. De l’air, ce n’est pas ça qui manque sur le traversier.
 
« Parfois, le vent du nord est tellement fort que ça brasse. Il faut aussi surveiller les bateaux de plaisance qui arrivent vraiment vite : il y a en a qui coupent le câble d’acier avec leur hélice. Ma priorité est la sécurité des passagers », dit-il.
 
L'exception

Il reste peu de ces petits traversiers artisanaux au Québec. Avec ses trois bacs en service huit mois sur douze, la vallée du Richelieu reste une exception. Pourquoi ? Parce que les traversiers font partie du paysage depuis plus de 200 ans ici. La rivière était un endroit stratégique sur les plans militaire, politique et économique il y a plus de deux siècles. L’armée britannique avait besoin d’occuper le territoire. Lors de la guerre de 1812. Puis au moment de la rébellion des patriotes en 1837-1838.
 
Au début du XIXe siècle, on comptait au moins huit traversiers le long du Richelieu, estime Paul-Henri Hudon, chercheur, historien et président de la Société d’histoire de la seigneurie de Chambly. La tradition du traversier s’est poursuivie. Trois de ces bacs restent en fonction de nos jours, malgré la construction de ponts à péage, d’abord à Saint-Jean (1826) puis à Chambly (1847).
 
Un patrimoine à conserver
 
« Le traversier entre Saint-Denis et Saint-Antoine est jugé vital pour la région, dit Mylène Bonnier, de la Maison nationale des patriotes, à Saint-Denis. Ici, on a deux grands sujets de conversation : la météo et si le bac fonctionne. »
 
Cette traverse a vu le jour au début du XIXe siècle sous la pression du clergé. Saint-Denis appartenait à la seigneurie située de l’autre côté de la rivière. Pour aller à la messe, les fidèles devaient se rendre sur l’autre rive, à Contrecoeur. « Les gens disaient à la blague qu’ils allaient à la messe à contrecoeur », raconte Mylène Bonnier.
 
« Les services de traverse risquent de disparaître, c’est un peu folklorique, dit Paul-Henri Hudon. À ma connaissance, il n’y a pas de municipalités qui investissent là-dedans. C’est pourtant un patrimoine humain, social et communautaire à conserver. »
 
Règlementation de 1813

Les traversiers sont apparus de façon improvisée, au gré des besoins, explique l’historien. Les bacs devenant plus nombreux, et pour prévenir une forme d’anarchie, les autorités ont réglementé ces entreprises en 1813.

« Le détenteur d’une “licence” de traverse devait afficher la tarification en français et en anglais et demeurer disponible jour et nuit toute la saison entre les glaces. Il ne devra pas retarder les voyageurs plus d’un quart d’heure dans le jour, ni plus d’une demi-heure dans la nuit. Il devait tenir à son service trois bons hommes, un canot et un bac ou un bateau, se munir de deux plateformes mobiles pour le débarquement des voitures, des personnes et des animaux, une au point de départ et une autre au point d’arrivée. C’étaient des entreprises locales exigeantes en investissement et en disponibilité, aux revenus aléatoires. Des auberges naissaient près des lieux de bacs, ainsi que des services de forgeron et de cordonnier », raconte-t-il.
 
Gratuité pour les Anglais

Les militaires britanniques pouvaient embarquer gratuitement sur le traversier. Pour les autres passagers, les tarifs réglementaires étaient les suivants :

– Un homme à pied, un cochon, un veau, un mouton : 6 sous ;

– Un cheval, un boeuf ou une vache : 12 sous ;

– Une charrette avec un ou deux chevaux et le conducteur : 16 sous.

C’était beaucoup, un tarif de 6 sous, au XIXe siècle. Par exemple, un journalier embauché à la construction du canal de Chambly gagnait 50 sous par jour en 1832.

Aujourd’hui, un piéton paie 2,50 $ par traversée ; une voiture, 4,50 $. La traverse attire des touristes de partout dans le monde et des résidants des alentours. « C’est une petite croisière de 5 minutes matin et soir. C’est le fun », dit Patricia Bégin, rencontrée sur le bateau. Résidante de Saint-Antoine, elle travaille à Saint-Ours, sur l’autre rive. La traversée lui permet de passer près d’une heure de moins par jour derrière son volant, plutôt que d’emprunter le pont à Sorel.
 
Cet après-midi-là, le soleil brillait. Michel Bousquet, le capitaine, regardait la rivière aux eaux limpides. Il a déjà vu une femelle orignal nager jusqu’à la petite île située tout près de là. Il a vu des canards, des outardes, des rats musqués, des belettes. Le capitaine Bousquet pratique un métier en voie de disparition. Mais en attendant, c’est un métier qui joint l’utile à l’agréable.

Extrait de
Saint-Charles-sur-Richelieu | Sur les traces des patriotes

Saint-Charles-sur-Richelieu | Sur les traces des patriotes image circuit

Présenté par : Municipalité de Saint-Charles-sur-Richelieu
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