À une époque pas si lointaine, les habitants de Neuville et de Saint-Antoine-de-Tilly se côtoyaient régulièrement, et ce, entre janvier et avril. Au 19e siècle et au début du 20e siècle, avant l’ère des brise-glaces, l’arrivée de l’hiver était annonciatrice, pour plusieurs communautés bordant le fleuve Saint-Laurent, de nouvelles opportunités sociales et commerciales. La traversée du fleuve gelé, appelée communément l’époque des « ponts de glace », était une pratique courante au Québec et particulièrement à Neuville.
Entre Québec et Montréal, les populations riveraines attendaient avec impatience le moment où la glace serait suffisamment épaisse (jusqu’à 2,44 mètres à certains endroits) pour permettre les traversées, ce qui se produisait généralement en janvier. Une fois la glace bien prise et le chemin menant à l’autre rive bien dégagé et balisé par des épinettes, s’amorçait pour les villageois une période hivernale marquée par des opportunités commerciales, des relations sociales et des divertissements auxquels ils ne pouvaient aspirer le reste de l’année.
Les ponts de glace pouvaient être singulièrement animés. On y traversait à pied, en carriole ou en traîneau et l’on pouvait aussi réclamer les services d’un cocher ou d’un charretier. En permettant aux agriculteurs et aux commerçants d’écouler leurs produits, les ponts de glace étaient particulièrement utiles aux localités de la Rive-Sud situées face aux grands centres (Québec, Trois-Rivières et Montréal). Ainsi, les producteurs pouvaient en hiver atteindre les marchés de l’autre rive sans avoir à débourser quoi que ce soit, contrairement aux traversées estivales.
Neuville avait aussi son pont de glace, accessible depuis le bourg Saint-Louis, qui la reliait à Saint-Antoine-de-Tilly. Orienté vers l’église de part et d’autre du fleuve, le pont nécessitait environ une demi-heure de carriole pour être traversé. De plus, les deux municipalités riveraines avaient chacune l’obligation de baliser et d’entretenir la moitié du trajet.
Neuville et Saint-Antoine-de-Tilly avaient toutes deux l’agriculture comme principale activité économique et l’on rapporte que les Neuvillois traversaient le pont de glace pour s’approvisionner surtout en foin et en chaux. La traversée répondait aussi à des objectifs de divertissements et de rencontres sociales, si bien que le pont de glace fut, jusqu’aux années 1920, bien animé.
Photo : « Le pont de glace entre Montréal et Longueuil, quelques jours avant que la débâcle du Saint-Laurent ne l’emporte (1906) », L’Album universel, 10 avril 1906, p. 1509.