Au début de la colonie, les habitants qui ne font pas le commerce de la fourrure sont majoritairement cultivateurs ou les deux à la fois. Samuel de Champlain fait construire près de l'Abitation de Québec une première barque, "La Coquine". La petite embarcation transporte les denrées et le bois de la ferme du cap Tourmente à Québec. Le Séminaire, lui aussi soucieux de nourrir et abriter sa colonie, fait construire des barques pour le transport des produits de la ferme (poisson, farine, animaux, foin, etc). Il maintien sa flotte de 1705 à 1777. Le 17 février 1716, il engage le capitaine Joseph Gagnon, de Château-Richer, pour naviguer sur la barque appelée Marie.
Étant conscient que Château-Richer a vécu une ère industrielle remarquable avec ses industries de la pierre et du bois, il n'est pas surprennant de constater la nécessité de se doter de moyens de transport efficaces pour la livraison des matériaux aux chantiers de Québec, aux moulins, aux commerçants, etc. Longtemps principale voie de communication, les nouveaux commerçants de Château-Richer s'approprient le fleuve Saint-Laurent. Ils développent une industrie de la construction navale et du transport par goélette dont plusieurs se souviennent encore aujourd'hui. L'industrie de la construction navale à Château-Richer, ce sont ses goélettes, ses charpentiers, ses navigateurs et ses quais.
Château-Richer vit l'apogée de l'industrie de la construction navale entre les années 1840 et 1930. Une trentaine de familles comptent parmis ses membres un navigateur ou un charpentier de goélettes, même souvent plusieurs. La période de navigation débute dès les premiers beaux jours de mai. En amont, le curé aura célébré une messe pour la bénédiction et la protection des navigateurs, des goélettes et des chaloupes. La saison se termine vers la Toussaint (1 novembre).
En ces temps là, deux types de goélettes flottent sur le Saint-Laurent: la goélette à quille et la goélette à fond plat. Ce dernier type de goélette aurait été inventé et construit par des charpentiers de Château-Richer vers 1850.
En 1915 apparaît le moteur diésel. L'installation généralisée de moteurs dans les goélettes est attribuable à la déclaration de la Deuxième Guerre mondiale et à l'après-guerre, de même qu'à la multiplication des moulins à papier. Le transport des marchandises doit s'effectuer plus rapidement et on souhaite parer à toute éventualité.
La construction de ces goélettes se termine vers 1959. L'arrivée du moteur à vapeur, du moteur à essence et des coques en métal en sont vraisemblablement les causes. La goélette cessera d'être utilisée pour le transport des marchandises vers 1975, le camion ayant pris la relève.
LES ROUTES MARINES
À Château-Richer, le conseil municipal aménage trois routes marines dans le village. Il y aurait pourtant eu jusqu'à 5 voies marines sur tout le territoire de la municipalité. Le plus ancien document relatif aux routes marines de Château-Richer daterait du 2 novembre 1820. Ces petites routes perpendiculaires à l'avenue Royale sont des voies carrossables pour les charrettes donnant accès au fleuve et aux quais.
L'arrivée du chemin de fer modifie considérablement les voies de communication de la municipalité. Les routes marines se transforment et servent désormais au trafic nouveau. Le transport par bateau tend à diminuer. Cependant, des passerelles sont construites afin de permettre aux charrettes de passer les voies ferrées pour se rendre au fleuve et aux quais.
En 1940 le projet de construction d'un boulevard par le gouvernement provincial est à l'étude. À sa séance du 2 juillet, le conseil précise qu'il souhaite vivement que ses trois routes marines ne soient pas fermées par la construction de la nouvelle route Québec - Sainte-Anne.
Une décénnie plus tard, le transport par bateau n'est plus. La route marine no.1 devient une route de raccordement qu'on appelle aujourd'hui la rue Dick. Les autres routes marines sont fermées et cédées aux propriétaires attenants.
LES QUAIS
Les premiers quais construits en pierre ou en bois s'avancent dans le fleuve Saint-Laurent. Dès 1842, Ignace Gravelle possède un grand quai comme en témoigne une autorisation du Séminaire et qui permet à Gravelle d'utiliser les deux parties de la grève adjacente à son grand quai. À une certaine période Château-Richer compte jusqu'à neuf quais. À des fins économiques, ces quais construits par des industriels et des commerçants servent au chargement des marchandises sur les goélettes. Par ailleurs, ils sont utilisés comme cour d'entreposage. On se rappelle l'amoncellement de planches et de billes de bois prêtes à être chargées des deux côtés du quai.
Causé par le déclin de cette industrie, les quais disparaîtront du paysage maritime de Château-Richer. Ils seront détruits ou subiront un sérieux empiètement par la nouvelle construction du boulevard Sainte-Anne, qui a nécessité des remblaiements de la côte et donc un empiètement sur le fleuve. Seul le quai du gouvernement résistera et conservera sa mission.
QUELQUES BATEAUX CONSTRUITS À CHÂTEAU-RICHER
Alma: 74 pieds, 98 tonnes
Almanda: 74 pieds, 98 tonnes
Beaupré: 64 pieds, 43 tonnes
Catherine: 44 pieds, 25 tonnes
Château-Richer: 77 pieds, 51 tonnes
Élizabeth: 50 pieds, 61 tonnes
Elzire: 65 pieds, 62 tonnes
Escoumins: 76 pieds 74 tonnes
Florence: 63 pieds, 46 tonnes
F. Mary: 65 pieds, 36 tonnes
F Tanguay: 48 pieds, 18 tonnes
Flying Fish: 63 pieds, 47 tonnes
Genser: 94 pieds, 44 tonnes
Golden Bow: 61 pieds, 61 tonnes
Ida: 76 pieds, 67 tonnes
Lucina: 61 pieds, 37 tonnes
(Note: voir à la référence pour la liste plus complète ainsi que les années de construction et l'histoire individuelle de chaque navire)
Source: Buteau, Lise (2005). « Château-Richer, Terre de nos ancêtres en Nouvelle-France », pages 242-255