La colonie est encore naissante lorsque Louis XIV écrit à Mgr de Laval le 2 mars 1668 lui recommandant "de faire toutes sortes d'efforts pour les oubliger (les colons) à donner leurs enfants pour les élever à la manière de vivre des français et les instruire en la connaissance de notre religion."
Mgr de Laval, en réponse à la lettre du Roi, écrit à Poitevin le 8 novembre 1668: "Comme le Roy m'a témoigné qu'il souhaitait que l'on tâchast d'élever à la manière de vie des Français, les petits enfans sauvages, pour les policer un peu: j'ay formé expres à ce dessein, pour y mieux réussir, j'ay esté obligé d'y joindre des petits français des quels les sauvages apprendront plus aisément les moeurs, la langue, vivant avec eux."
Si Mgr de Laval désire procurer l'instruction dans les campagnes, l'entreprise est bien mal comprise par les habitants ruraux qui ne voient pas l'utilité d'instruire les gens vivant de la terre. Malgré ces réticences, Mgr de Laval fonde la première école élémentaire sur la Côte-de-Beaupré, précisément à Château-Richer, en 1674. Elle accueille uniquement les petits garçons de la seigneurie. Une autre école, élémentaire et de métiers, est construite à Saint-Joachim.
LE PETIT SÉMINAIRE AU MANOIR SEIGNEURIAL 1674-1678
L'école du Château existe en 1674, comme en fait foi le livre des comptes du Séminaire de Québec. Il est écrit que le meunier Jacques Goullet qui s'occupait des deux moulins de Château-Richer avait fourni, depuis le 15 février, quarante-huit minots de blé à la commande de l'abbé François Fillion. L'école est localisée à l'intérieur du manoir seigneurial et porte le nom de "Petit Séminaire". Son premier maître est probablement Pierre Dumont. Charles Royer lui succède. Les qualités exigées du maître d'école, à l'époque, sont l'honnêteté et une réputation de bonnes moeurs. Il doit être en mesure d'enseigner à lire et à écrire. Outre ces fonctions éducatives, il cumule souvent les tâches de bedeau, de chantre, et parfois de domestique du curé.
LE PETIT SÉMINAIRE DANS UNE MAISON D'ÉCOLE 1678-1689
Le censier 1680 décrit le Petit Séminaire comme étant: "une maison appelée vulgairement le Petit Séminaire, située en la paroisse et proche l'esglise de Nostre-Dame du Chasteau-Richer, jardins, prez, terres et despendances et comme appartenant à Mgr de Laval comme ayant fait construire de neuf sur un emplacement faisant partie de ladite terre et seigneurie de Beaupré".
Le censier indique toutefois que la petite école desservant les enfants de la seigneurie de Beaupré est tenue, non plus dans le manoir mais bien dans une petite maison située au pied du coteau et ayant appartenu à Macé Gravelle. Mgr de Laval avait acquis cette maison le 27 mars 1675. Le propriétaire, René Bin, l'a lui avait vendue afin, sans doute, de payer ses redevances à Gravelle et à David Estourneau, les propriétaires précédents.
ÉCOLE - MAISON- PRESBYTÈRE
Les écoliers reçoivent leur enseignement dans la petite maison d'école au pied de la côte environ une dixaine d'année, soit de 1679 à 1689. En 1689, on les fait remonter sur la côte pour les loger dans l'ancien presbytère.
ÉCOLE LATINE
Mgr de Laval continue de se soucier de l'instruction des enfants de sa seigneurie et, au surplus, il vise à en conduire quelques-uns à la poursuite d'études supérieures, voire à la formation ecclésiastique. Comme l'école de la Grande Ferme à Saint-Joachim ne représente pas un lieu propice à l'enseignement latin, études poussées à l'époque, l'abbé Nicolas Boucher, nommé par le séminaire pour diriger l'école latine, déménage avec ses cinq ou six élèves à Château-Richer en 1702.
LES DEUX ÉCOLES AU MANOIR : 1705-1710
La question monétaire est constamment préoccupante pour les habitants de la seigneurie et de Château-Richer. En 1704, ils demandent à Mgr de Laval d'y loger également l'école élémentaire, située dans l'ancienne maison presbytérale.
L'administration seigneurial, l'école latine et la résidence du curé occupent tout le manoir. Face à un nouveau besoin d'espace, une souscription auprès de tous les habitants de la Côte-de-Beaupré est organisée, et l'on décide, lors d'une assemblée des paroissiens, d'allonger le manoir seigneurial strictement pour les fins éducatives et non pour y aménager un presbytère. Ils souhaitent "seulement aider leur seigneur à mettre sa maison en état pour y tenir les écoles". Mgr de Laval consacre lui-même la somme de mille écus pour l'agrandissement de la maison seigneuriale, bien qu'il eût promis cette somme pour celle de l'île Jésus. (L'île Jésus est aujourd'hui le site de la ville de Laval)
Le Petit Séminaire ne survivra que deux ans après la mort de Mgr de Laval en 1708. Mgr l'Ancien décédé, il n'y avait plus d'obstacle à la fermeture du Petit Séminaire en 1710.
LES LOIS DE GEORGES IV ET LES ÉCOLES DE SYNDICS (1829)
L'adoption des lois concernant l'éducation élémentaire et décrétant l'ouverture d'écoles de fabrique (1824) et d'écoles de syndics (1829) favorise la création de maisons d'école.
Le 9 mars 1824 est entérinée la Loi 4 de Georges IV "pour faciliter l'établissement et la dotation d'écoles élémentaires dans les paroisses de cette province". On assiste alors à l'avènement des "écoles de fabrique".
Le 14 mars 1829 est entérinée la Loi IX de Georges IV " pour encourager l'éducation élémentaire. On assiste alors à l'avènement des "écoles de syndics".
Les deux lois ont suscité, d'une part, un regain d'énergie dans l'intérêt des gens de Château-Richer à procurer l'éducation à leurs jeunes enfants. D'autre part, elles ont provoqué une certaine rivalité entre les défenseurs de l'école-fabrique et leurs opposants, les défenseurs de l'école-syndics.
Le 11 mai 1829, le curé écrit au Séminaire afin de donner un compte rendu de l'assemblée durant laquelle les paroissiens ont opté pour l'école de fabrique. Le 14 mai 1829, le Séminaire adresse une lettre aux habitants de Château-Richer les informant de leur plein support. Ceci se traduit par l'octroi ou le prêt de terrain afin d'y construire des écoles.
Les démarches pour la construction de la maison d'école, car il ne s'agit plus d'un couvent, débutent lors de l'assemblée du 24 mai 1829. Un ensemble de résolutions adoptées par les paroissiens décrètent la construction d'une maison d'école au village du Château-Richer.
Le contrat de concession du terrain du couvent, comprennant toujours la clause de réversibilité, est passé le 18 juillet 1829 et approuvé par les paroissiens lors de l'assemblée du 30 avril 1829.
La construction de l'école est terminé en 1830. Les habitants ont fourni le bois, les matériaux et les journée de travail. Le devis de maçonnerie de l'entrepreneur Gibeau, daté de 1829, confirme que les murs en ruine du premier couvent sont réutilisés pour la construction de cette maison d'école comptant deux étages, un toit à quatre versants et un clocheton. Les enseignants laïques instruisent les enfants jusqu'au rétablissement d'un couvent en 1870 et qui amènera la congrégation des Soeurs du Bon Pasteur sur notre territoire.
Par la suite il est décidé d'établir une maison d'école modèle pour garçons dans le village et à cette fin, les commissaires louent la maison de Joseph Gravel. L'un des premiers maîtres est sans doute Louis Roberge qui quitte dès 1873 "vu le défaut de progrès de ses élèves et le manque de discipline dans sa classe". Il est alors remplacé par Mlle Marie Cauchon.
L'Académie Laval (1910)
Le projet de construction d'une nouvelle maison d'école pour les garçons se discute dès 1909. Ainsi, le 13 septembre, les commissaires prient "humblement l'Honorable A. Taschereau, représentant du comté de Montmorency de bien vouloir leur obtenir une aide pour la construction d'une maison d'école de garçons, école supérieur dans le but d'avancer le système d'enseignement dans notre municipalité". Le projet chemine et ce sera le 30 juillet 1910 que les commissaires approvent le contrat signé avec Pierre Cauchon, entrepreneur pour la construction de la nouvelle maison d'école, au coût de 6400$. Le 12 janvier 1911, les commissaires décident de faire produire une plaque en cuivre marquant l'inauguration du nouveau collège.
Le frère Amantius-Josept est le premier directeur de l'Académie Laval. Les frères Tugdual-Eugène et Fabien-Joseph, Yves-Jean-Marie, GIlbert-Marie et Anatolius ont, pour leur part, enseigné dans l'école contenant deux classes et un maximum de 24 élèves, à cette époque.
Le frère Louis-Arsène succède au premier directeur en 1914 et insuffle aux jeunes élèves sa passion pour l'écriture. Puis la mission des frères à Château-Richer s'achève avec l'arrivée d'un nouveau directeur laïc en 1920.
Le collège est vraisemblablement chauffé au charbon puisque le 21 mai 1911, les commissaires autorisent l'achat de 20 tonnes de charbon pour le collège d'Émile Lachance, marchand. Puis, le 12 mai 1912, ils décident de procéder à l'achat d'une cloche pour le collège chez J.A. Morissette pour la somme de 122$.
LA MAISON L'HEUREUX (1932)
La commission scolaire face au nombre grandissant des élèves, projette d'acheter la propriété de Mme Napoléon L'Heureux lors de sa rencontre du 22 novembre 1931 "en vue de la nécessité de l'agrandissement du Collège aussitôt que le besoin l'exigera et qu'une demande soit faite à Mr de Curé pour qu'il soumette le projet aux paroissiens".
Voisine de l'Académie Laval, la Maison L'Heureux accueillera jusqu'à quatre classes pendant trois décénnies. Au même moment, l'établissement sera longtemps considéré comme un lieu communautaire où plusieurs organismes loueront des locaux et organiseront des activités de loisirs.
UN NOUVEAU COUVENT SUR LA CÔTE DE L'ÉGLISE
En 1955, les commissaires jettent les bases de leur projet d'agrandissement du couvent et du collège. En mars, il est question de l'achat de la maison voisine du couvent, mais elle n'est pas à vendre. Par ailleurs, il est décidé que, pour l'année 1956-1957, deux nouvelles classes seront ouvertes dans la maison L'Heureux.
Le 20 août 1956, les commissaires nomment soeur Sainte-Rita-des-Anges comme directrice des trois établissements scolaires du village, à savoir le couvent, le collège et la maison L'Heureux.
Le rapport de l'inspecteur pris en considération lors de la séance du 17 décembre 1956 indique que 534 élèves du niveau primaire sont inscrits dans l'une ou l'autre des écoles de la commission scolaire, dont 78 les fréquentent pour la première fois:
École No1 (Bas): 43 élèves
École No2 (collège): 156 élèves
École No3 (couvent): 266 élèves
École No4 (Haut): 69 élèves
Compte tenu de l'urgent besoin de locaux pour bien accueillir les élèves, l'honorable secrétaire fait connaître les vues du Département en regard de la construction du couvent et assure la communauté d'un octroi n'excédant pas 90%, avec un minimum de 80%, tant pour la construction que pour l'achat des terrains nécessaires à cette construction.
Dès 1957, il y aura de longues discussions pour définir un site. L'aventure dure encore en 1959 alors que des demandes sont adressées au Département de l'Instruction publique pour qu'il étudie le projet de construction d'un nouveau couvent.
En avril 1960, le conseil de la commission scolaire avise qu'elle a décidé "de construire un nouveau couvent et un nouveau collège sur les lots 285, 286, 277 et 264, en conséquence nous allons avoir besoin d'eau et de chemins et nous avons besoin du concours de la municipalité". La ville offrira effectivement une grande contribution, notamment en faisant effectuer les travaux d'aqueduc et d'égouts pour la nouvelle construction et en aménagement d'une nouvelle côte, appelée côte de la pente douce ou côte du Couvent.
Lors de l'assemblée du 6 décembre 1960, les commissaires décident d'engager Roland Dupéré pour l'exécution des plans et devis du nouveau couvent " à l'épreuve du feu" qui doit compter 18 classes. Les dimensions du bloc comprenant les classes, en façade, sont de 227 pieds sur 52 pieds; celles de la résidence des soeurs située au nord sont de 100 pieds sur 38 pieds ; et celles du gymnase situé au sud sont de 110 pieds sur 60 pieds.
Le 29 mai 1962, les commissaires adoptent une résolution nommant le nouveau couvent du même patronyme que la paroisse : Notre-Dame-de-la-Visitation. Il portera ce nom jusqu'à sa conversion, en 1985, en une école primaire publique appelée "La Châtelaine".
Les classes débutent dès novembre 1962 dans un couvent où les travaux ne sont pas complètement terminés. La bénédiction officielle du couvent a lieu le 5 mai 1963.
Cette ouverture amènera la centralisation des élèves dans ce nouveau couvent. Depuis cette centralisation, le vieux couvent devient le collège ou l'académie Laval jusqu'à sa fermeture en 1972.
Le 9 juillet 1963, les commissaires discutent des écoles des bouts de la municipalité, du vieux couvent, du vieux collège Laval et de la Maison L'Heureux. Pour cette dernière, on adopte la résolution d'appeler des soumissions pour la démolition pure et simple. C'est ainsi que le 22 janvier 1964, les commissaires adressent une demande au Département de l'Instruction publique en vue d'obtenir l'autorisation de vendre la Maison L'Heureux à la corporation municipale pour la somme de 3500$.
Le 10 septembre 1963, l'école No1 (bas de paroisse) est vendue à André Cloutier pour la somme de 1700$ et l'école No4 (haut de paroisse) est vendue à Adélard Huot pour la somme de 3600$. À cette même rencontre, la Commission scolaire acquiesce favorablement à la demande du conseil municipal du 9 septembre 1963 et lui cède l'ancien collège (Académie Laval) pour la somme symbolique de 1$. (Cet édifice est aujourd'hui, dans une forme modifiée, l'hôtel de ville de Château-Richer).
Depuis 1972, tous les écoliers de Château-Richer fréquentent l'école primaire située sur la côte du Couvent. Les élèves du secondaire se dirigent en grande majorité vers l'École secondaire du Mont-Sainte-Anne.
Ce couvent longtemps dirigé par une communauté religieuse devient cependant une école publique en 1985 et porte le nom La Châtelaine.
Source: Buteau, Lise (2005). « Château-Richer, Terre de nos ancêtres en Nouvelle-France », page 321-374