L'arrivée du P'tit train de Sainte-Anne sur tout le territoire de la Côte-de-Beaupré cause tout un émoi dans la population. Ce nouveau mode de transport, piloté par la Montmorency Charlevoix Co. (QMC) brise l'isolement de la population et ouvre les portes de la ville. Jusque-là, la Côte-de-Beaupré était relié à Québec par la voie fluviale et par le chemin Royal.
Avec l'arrivée du train, la livraison du courrier se fait dans un sac de malle directement à la gare. La livraison et la réception des marchandises deviennent encore plus faciles et plus rapides. Même les voies de raccord conduisent aux concasseurs ou aux moulins facilitant le chargement.
L'arrivée du P'tit Train entraîne également un exode des travailleurs vers les usines et les bureaux du gouvernement du Québec. À Château-Richer, ils seront nombreux à travailler à la "Factrie" (Dominion Textile), à "L'Arsenal", à la Commission des liqueurs et pour le gouvernement. Certains autres travailleront à l'entretien du chemin de fer et à la maintenance des gares. Le P'tit Train s'avère également le moyen de transport privilégié pour les jeunes étudiants qui font leurs études à Québec et pour les fervents de loisirs, dont les amateurs de hockey et les amateurs de soirées dansantes. Enfin, il favorise l'arrivée massive des touristes attirés par la basilique de Sainte-Anne.
L'arrivée du P'tit Train de Sainte-Anne provoque aussi un changement majeur dans le paysage rural. Situés entre le chemin Royal et le fleuve (à l'arrière des cours des propriétaires), les rails disposés l'un après l'autre tracent la voie ferrée de ce train électrique qui arrive. C'est en effet le 8 août 1889 qu'est inauguré le P'tit Train de Sainte-Anne.
Le nouveau moyen de transport est un succès immédiat. Le bilan financier de la compagnie au 30 juin 1890 indique tout près de 100,000 passagers et 2700 tonnes de fret (transport de marchandises). Quatre ans plus tard, le nombre a plus que doublé tandis que le nombre de tonnes de fret a triplé. En 1895, la QMC devient la Québec Railway Light & Power Co. (QRLPC). En 1897, les locomotives à vapeur sont remplacées par des wagons électriques. En 1902, les passagers sont au nombre de 640,000. Un succès colossal et une ascension fulgurante. En 1910, on utilise une première unité électrique pour le transport du fret qui continuait, jusque-là, à être transporté par des locomotives à vapeur.
En 1951, les chemins de fer nationaux (CNR) deviennent propriétaires de toute la ligne de Montmorency. Au même moment, s'achève la construction du boulevard Sainte-Anne qui provoquera la fin du petit train électrique. Le 15 mars 1959, il effectue son dernier voyage. Si en 1943, le flot journalier était de 4000 passagers, en 1959, il n'était plus que de 1000, ceci étant vraisemblablement imputable à l'automobile.
Le CNR offrira un service express jusqu'au milieu des années 70. Le P'tit Train aura permis la naissance de nouvelles amitiés, de nouvelles amours. On y joue aux cartes, on y raconte ses bons coups ou ses mauvais. On discute de choses anodines comme de sujets plus chauds reliés, notamment, à la politique. Bref, c'est un lieu commun comme ont pu l'être la sortie de l'église, le magasin général ou la boutique de forge.
LES GARES
En 1899, Château-Richer compte quatre gares: Petit Pré, Château-Village, Château-Richer et Rivière-aux-Chiens. À son apogée, la municipalité compte 13 gares dont la majorité offrait un simple abri, parfois un simple banc. Seuls deux bâtiments avaient été construits. Le premier à la gare de Château-Richer, où logeaient au second étage un employé de la compagnie de chemin de fer, un nommé Richard, et sa famille. L'autre construit à la gare Lemoine, contenait de l'équipement et le transformateur dont l'employé Lauréat Mathieu avait la charge. Celui-ci habitait une petite maison vis-à-vis la gare, sur l'avenue Royale. Les billets de train, à la pièce ou au livret étaient achetés à la gare Saint-Paul de Québec et chez Valère Pouliot, à Château-Richer.
GARE PETIT-PRÉ
L'une des plus ancienne, la gare porte le nom du secteur et du moulin et est située à proximité de la rivière du même nom
GARE VALIN
La gare porte le nom en hommage à Pierre-Vincent Valin, constructeur de navires, qui a possédé un lopin de terre dans la municipalité. Elle est située entre les rivières du Petit-Pré et Valin
GARE CAZEAU
La gare est située à proximité de la rivière Cazeau, au bout de la terre de la famille Émond. Elle porte ce nom en hommage à la famille Cazeau, qui a habité la terre pendant plusieurs générations, dont le capitaine Louis Cazeau, major de la milice.
GARE LEMOINE
La gare est située à l'ouest de la rivière Lemoine autrefois appelée rivière Verreau. Elle porte ce nom en hommage aux illustres Lemoyne d'Iberville, qui ont jadis été propriétaires de terres.
GARE LAVERDIÈRE
La gare est située à environ un mille à l'ouest de l'église. Construite avant 1929, son appellation correspond au nom d'un vieux paroissien à qui la compagnie de chemin de fer voulait rendre hommage. Sans doute, il s'agissait de Charles Honoré Cauchon dit Laverdière.
GARE CHÂTEAU-VILLAGE
L'une des première gares du chemin de fer est située en plein coeur du village, en arrière du couvent. La gare Château-Village a été construite vers 1888.
GARE GIGUÈRE
Cette gare, ouverte en 1930 et fermée en 1958, se situait entre celles de Château-Village et Château-Richer. Giguère est le nom du propriétaire d'une partie du lot sur lequel est construit le chemin de fer. Elle était située derrière le 8204 avenue Royale. Une grosse bâtisse esn construite au bout de la rue aujourd'hui connue sous le nom de rue de la Station. Un nommé Richard, employé de la compagnie, louait la partie du haut et y logeait avec sa famille. C'est à cette station qu'étaient livrés les marchandises, les sacs de courrier, etc. Même le père Noël y débarqua.
GARE LEFRANÇOIS
Elle est située à un mille à l'est de l'église près de la rive est de la rivière Sault-à-la-Puce. Elle porte le nom du propriétaire d'une ferme sur laquelle elle est bâtie vers 1930 et démolie vers 1959. Elle se situait vis-à-vis le garage Alphonse Gagnon.
GARE VISITATION
Elle est située à l'est de l'église sur les lots 73 et 69 du cadastre. Ouverte vers 1920, on lui donne une partie du vocable de la paroisse de Château-Richer: Notre-Dame de la Visitation.
GARE BAKER'S INN
Elle est située à un mille à l'ouest de la Rivière-aux-Chiens, vis-à-vis l'auberge Baker. La gare est disparue.
GARE MOREL -
Elle est située à environ deux milles et demi à l'est de l'église et porte le nom de Thomas Morel, le premier prêtre missionnaire envoyé par Mgr de Laval sur la Côte-de-Beaupré. (Lot 36)
GARE RIVIÈRE-AUX-CHIENS
L'une des plus anciennes, la gare porte le nom du secteur et est située à proximité de la rivière du même nom. Voisine de la manufacture de vin de messe, le chemin d'accès était située sur les terrains de la ferme Guillot.
Aujourd'hui le Petit Train de Charlevoix utilise les mêmes rails afin d'offrir un transport estival vers Charlevoix. Avec la venue prochaine du Club Med au Massif, il est prévue de voir le service de transport se faire à l'année.
(Suit 3 photos)
Source: Buteau, Lise (2005). « Château-Richer, Terre de nos ancêtres en Nouvelle-France », pages 311-317