Au sud du Lac des Seize Îles

Des parcours migratoires francophone et anglophone distincts

Deux parcours migratoires distincts, l’un anglophone et l’autre francophone, se sont dessinés lors de la colonisation des Laurentides. Le premier, provenant de Saint-André-d’Argenteuil, s’amorça à la fin du 18e siècle donnant naissance au hameau de Lachute à partir duquel certains pionniers irlandais, écossais, anglais et américains du Vermont ont poursuivi leur périple vers les comtés de Gore et Wentworth.

Le mouvement francophone, plus tardif, s’est quant à lui propagé vers le nord et l’ouest à partir de Saint-Jérôme, et fut grandement facilité par le chemin de fer qui s’est déployé de Montréal vers les Cantons du Nord à partir de 1876. 

Charles Adonias Millette

Charles Adonias Millette (1859-1942) et Clémence Mourëz [Mourey] (1863-1939), photographiés vers le début du 20e siècle.

À la fin de l’été1885, Charles Adonias Millette, son épouse Clémence Mourëz et leurs trois enfants partirent de Saint-Sauveur pour prendre possession d’une propriété de près de 300 acres en bordure du lac Argenté.

«...Charles Adonias [était] très habile de ses mains et Clémence passée maître dans la préparation des viandes de boucherie et des légumes racines, ce couple devenu cultivateur et éleveur en bétail se partageait les tâches inhérentes: l’élevage et le gardiennage des animaux tels que les poules, porcs, vaches, moutons, chèvres et chevaux, ainsi que l’aménagement d’un très grand potager, confié surtout à Clémence, afin de subvenir au besoin de la famille. On raconte que la galette de sarrasin de Clémence était très populaire dans la région.»
- Luc Lamond, La famille Millette, Vision du Patrimoine, mai 2019

La maison Millette

La maison de Charles Adonias Millette (1859-1942) et Clémence Mourëz [Mourey] (1863-1939) au sud du lac des Seize Îles, près du lac Argenté.
Source: Luc Lamond


Le lac des Seize Îles, encaissé entre les collines laurentiennes, convenait mieux à la pêche et la villégiature qu’à l’agriculture. Toutefois, les terres qui bordent les lacs Laurel et Argenté dans le secteur sud semblaient assez prometteuses aux yeux de colons d’origine anglophone et francophone. Des familles s’y sont installées dès la moitié du 19e siècle.

Une grande famille

Adonias Stanislas Millette (1883-1957) avec un vacancier, vers 1910.
Source: Luc Lamond


Charles Adonias et Clémence eurent quinze enfants et la plupart d’entre eux sont demeurés dans la région. Pour bien vivre dans cette campagne loin des grands bourgs, on devait maîtriser plusieurs métiers.

Charles Adonias et ses fils ont construit plusieurs chalets autour des lacs Laurel et des Seize Îles, ils ont coupé du bois, fabriqué des bardeaux, cultivé la terre et élevé des animaux de ferme.

L’été, son fils Armand faisait la tournée des résidences en bateau pour vendre leurs légumes et du lait. Charles Adonias offrait aussi le gîte et la table à quelques vacanciers pendant la belle saison et son aîné, Adonias, amenait en chaloupe les amateurs de pêche à la truite, toujours abondante et de belle taille à cette époque.

La maison McGarry/Stronach

La maison McGarry/Stronach en 1918
Source: Luc Lamond


John Smith, un ébéniste originaire de Glascow en Écosse, était un client régulier du couple Millette Mourëz. Il habitait le village de Calumet près de Grenville-sur-la-Rouge et faisait plus de 40km à cheval et en buggy pour atteindre sa destination estivale.

En 1902, sa fille acheta une maison rustique en pièce sur pièce avec terrain à Charles Adonias. Cette maison sise au 230 chemin Millette fut probablement construite vers les années1870. Au fil des décennies, les descendants de John apportèrent des modifications respectueuses de la valeur patrimoniale du bâtiment.

Adonias Millette et Alphonsine Lafantaisie

Adonias Millette et son épouse Alphonsine
Source: Luc Lamond


Adonias Stanislas, fils de Charles et Clémence, n’avait que deux ans lorsqu’il arriva au lac Argenté au sud-est du lac des Seize Îles. Il demeura plus de trente ans à la ferme à seconder son père et aider les familles de ses frères et sœurs grâce à son talent pour la pêche et la chasse. À 33 ans il épousa Alphonsine Lafantaisie de Saint-Adolphe-d’Howard avec qui il eut cinq enfants.

On dit qu’Adonias était un homme bon et généreux. Il fit éduquer ses enfants qu’il adorait à l’Institut Feller de Grande Ligne, un pensionnat bilingue fondé par un couple de missionnaires protestants suisses, près de Saint-Jean-sur-le Richelieu.

L’auberge

Alphonsine devant sa maison du lac Laurel, avant qu’elle ne soit transformée en auberge.
Source: Luc Lamond


Après avoir habité quelques années sur la rive du lac Lafantaisie, Adonias et Alphonsine s’installèrent sur la rive est du lac Laurel, sur un lot qu’Adonias avait acquis de ses parents. En plus de sa fermette, il opérait une scierie qui lui fut très profitable et l’été ils offraient la pension aux vacanciers.

En 1946, un de ses gendres l’entraîna dans un projet de transformation de la maison familiale en auberge luxueuse. Les travaux furent un gouffre financier pour Adonias et les revenus de l’auberge ne furent pas à la hauteur des dettes contractées.

À 67 ans il perdit son auberge et dut vendre ses terrains sur la rive du lac Laurel. Après avoir habité son écurie pendant un an, Adonias construisit une petite maison pour lui et Alphonsine et décéda de maladie en 1957.

Dans sa monographie sur la famille Millette, Luc Lamond, résident de Lac-des-Seize-Îles, en parle ainsi:
«L’histoire retiendra de ce grand gaillard qu’il était un homme doux, attentif, travaillant, honnête, courageux, sans malice et toujours prêt à aider les autres.»

La famille Biéler

Les enfants Biéler, Jean-Henri, Étienne, André, Philippe et Jacques, apprennent la charpenterie en construisant une annexe à La Clairière, vers 1912.

Charles Biéler, Suisse d’origine, maître en théologie et directeur de collège en Suisse, accepta, en 1908, un poste de professeur à la section française du Collège presbytérien de Montréal.

En 1911, la famille Biéler fit l’acquisition d’une grande ferme sur la rive ouest du lac Laurel qu’ils nommèrent «La Clairière». La maison principale de bois équarris date de la même période que la maison McGarry/Stronach. Les Biéler passèrent plusieurs étés à la restaurer et à l’agrandir.

Le professeur s’était aménagé un bureau au deuxième étage d’une grange, inspiré par la vue paisible des pâturages environnants. Il fut régulièrement invité pour prêcher dans la petite église protestante du lac des Seize Îles.

André Biéler, un artiste trop peu connu

Quatre des fils Biéler partirent pour la Grande Guerre de 1914. Philippe décéda en 1916 et André revint avec des problèmes respiratoires causés par une exposition aux gaz moutarde. Peintre canadien trop peu connu, il était près des membres du groupe Beaver Hall et du groupe des Sept. Son expérience de la guerre engendra un désir d’harmonie et de rapprochement qui se manifesta dans sa participation à l’organisation de la conférence des artistes canadiens à Kingston.

Cet événement marquant dans l’histoire de l’art canadien visait à créer des liens entre les artistes, de l’ouest et de l’est du pays, qui se connaissaient très peu et proposait une discussion sur le rôle de l’artiste dans la société démocratique.

Le Musée national des beaux-arts du Québec possède la plus grande collection d’œuvres d’André Biéler et présenta les expositions «André Biéler et le Québec rural» en 1990 et «André Biéler. Dessinateur et graveur» en 2003.

La Clairière

André Biéler (1896-1989).
Croquis de La Clairière, été1919. Mine de plomb sur papier.

Extrait de
Histoire et patrimoine de Lac-des-Seize-Iles

Histoire et patrimoine de Lac-des-Seize-Iles image circuit

Présenté par : Municipalité de Lac-des-Seize-Îles

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