Vous vous trouvez maintenant à l’un des plus beaux points de vue sur la rivière Saguenay à l’Anse-Saint-Jean. D’année en années, des touristes de partout viennent admirer les paysages de l’Anse-Saint-Jean. Mais à la fin des années 1990, les touristes se rendaient dans la petite localité pour une tout autre raison, très surprenante… Savez-vous que l’Anse-Saint-Jean a déjà été le siège de la première monarchie américaine?
Roi de l’anse
En 1992, la communauté et la municipalité se mobilisent autour d’un projet d’envergure : la sculpture environnementale Saint-Jean-du-Millénaire. Portée par Denys Tremblay, il est proposé de réaliser une fresque végétale géante sur le versant nord du Mont Édouard. Cette fresque représentant Saint-Jean-Baptiste pourrait être admirée depuis un belvédère installé au sommet des pentes tout au long de l’année, permettant l’utilisation de la station à l’année. Cependant, le projet s’élève à plus d’un million de dollars…
Afin de trouver des sources de financement, une proposition saugrenue est mise sur la table : constituer la toute première monarchie municipale en Amérique du Nord avec, à sa tête, l’Illustre Inconnu, un personnage interprété par Denys Tremblay. Élaborée dans une perspective de développement économique et de promotion du milieu, la monarchie municipale se présente comme un puissant levier de développement, particulièrement au lendemain du déluge de 1996 ayant mené la petite municipalité au bord de la faillite.
À la suite d’un référendum le 19 janvier 1977, avec la majorité écrasante de 73,9 %, la monarchie municipale de L’Anse-Saint-Jean est formée et Denys 1er de l’Anse est couronné le 24 juin suivant à l’Église Saint-Jean-Baptiste. Des titres de noblesse symboliques sont offerts aux généreux donateurs du projet Saint-Jean-du-Millénaire. Une monnaie locale est créée : le « de l’art » de l’Anse. Une couronne, des habits protocolaires, une épée, un sceptre et un ensemble de bijoux royaux complètent l’apparat du nouveau roi, le tout créé par une équipe d’artistes et d’artisans financée par le Conseil des arts du Canada.
Dans les premiers mois suivant le couronnement, de nombreux projets sont mis en branle : château-musée, production de films canadiens, mise en valeur des produits locaux… Des subventions sont annoncées et l’afflux de touristes est notable. Le financement de la fresque végétale semble être sur la bonne voie. Et pourtant…
Le règne du roi Denys 1er est court : lourdement critiquée par les médias, la démarche artistique est ridiculisée et fait perdre la face au petit village. Le projet s’essouffle et perd l’appui de la population. En novembre 1999, un nouveau conseil de ville est élu, et demande la fin de la monarchie. Le roi abdique le 14 janvier 2000 au Presbytère de L’Anse-Saint-Jean et le projet de fresque végétale est abandonné.