Vous venez de traverser un chemin de terre, et déjà le paysage change. Les arbres se font plus denses, les maisons plus rares… Bienvenue à Saint-Basile-de-Tableau, un hameau discret, presque effacé, mais pourtant riche en histoire.
Imaginez-vous ici dans les années 1830. C’est Jacques Bacon, un métis innu, qui trace les premiers abattis dans le secteur. Rapidement déserté, le lieu passe ensuite entre plusieurs mains, dont celles de William Price — nom bien connu dans l’histoire forestière de la région.
Mais c’est vraiment à partir de 1854 que Tableau prend forme, grâce à Résimond Villeneuve. Il défriche la terre, bâtit des bâtiments agricoles, et surtout, relance le vieux moulin à scie construit dans les années 1840. Pendant près de vingt ans, les Villeneuve sont seuls ici. Seuls… mais déterminés.
Regardez autour. Imaginez trois maisons isolées, entourées de forêt, un moulin à scie qui fume au loin, et un sentier de terre qui serpente jusqu’à la rivière. Voilà à quoi ressemblait le hameau en 1879.
Au fil du temps, le site se développe. En 1892, le fils de Résimond, Basile Villeneuve, rachète les titres fonciers de son père. Le hameau double presque sa population en un an. C’est lui qui, avec ses enfants, va redonner vie au hameau. En 1911, il construit une chapelle pour que les habitants n’aient plus à recevoir le prêtre dans leur salon. Deux ans plus tard, une école voit le jour : on y accueille enfin les enfants pour l’instruction, dans une salle dédiée.
À son apogée, dans les années 1920, Saint-Basile-de-Tableau compte une trentaine d’âmes. Ce n’est pas grand, mais chaque maison, chaque potager, chaque bâtiment agricole raconte une histoire de courage et de persévérance.
Avec le temps, la mission de Tableau est peu à peu désertée. En 1961, les dépouilles du cimetière sont transférées à Sainte-Rose-du-Nord. Aujourd’hui, seules une dizaine de maisons sont encore habitées.
Mais attention : ce n’est pas un lieu vide. C’est un lieu habité autrement. Écoutez le silence. Il est plein d’échos. Des rires d’enfants dans la petite école. Le grincement d’une scie à bois. La prière discrète dans la chapelle de bois. Le souffle d’une vie modeste, mais profondément enracinée dans cette terre.
Saint-Basile-de-Tableau n’est peut-être plus un hameau animé… mais il est toujours vivant pour qui sait l’écouter.