Approchez-vous… Cette petite chapelle blanche, humble mais fière, se dresse encore ici, en bordure du hameau de Saint-Basile-de-Tableau. Observez sa silhouette simple, son clocher discret, son revêtement de bardeaux d’amiante-ciment aujourd’hui vieilli par le temps. Imaginez maintenant qu’on recule d’un siècle…
Nous sommes en 1911. Il n’y a ici que trois familles : celle de Basile Villeneuve, et celles de ses deux fils. Pour les célébrations religieuses, il faut attendre la venue d’un missionnaire… et prier dans le salon. Trop éloigné de Sainte-Rose-du-Nord et de la Descente-des-Femmes, le hameau n’a aucun lieu digne d’y recevoir la messe.
Alors Basile, homme de foi et de conviction, décide de construire une chapelle. Pas de comité, pas de collecte : il paie lui-même les 275 dollars nécessaires à l’érection de l’édifice. Aidé de ses fils, il plante ce petit oratoire sur sa terre. Le 28 septembre 1911, la chapelle et sa cloche sont bénies par l’abbé Joseph-Ferréol Roy. Le même jour, on célèbre aussi les noces d’or de Basile. L’émotion est palpable.
Regardez bien la chapelle. Elle a changé, bien sûr : la porte d’origine a été remplacée, tout comme le bardeau de cèdre de la toiture. Mais l’âme du lieu est toujours là. Et saviez-vous qu’elle n’a pas seulement servi aux messes ? En cas de tempête ou de brouillard, on sonnait la cloche pour guider les navigateurs. Elle était un repère autant spirituel que pratique.
Pendant vingt ans, la petite chapelle anime la vie religieuse du hameau. En 1931, la paroisse Sainte-Rose-de-Lima est érigée à l’anse Théophile, et le centre des célébrations se déplace. La chapelle n’en reste pas moins précieuse pour les habitants. En 1954, elle est restaurée par Thomas-Louis Villeneuve, fils de Basile. On ajoute alors le revêtement actuel en bardeaux d’amiante-ciment. Au total, quatre baptêmes, quatre mariages et trois funérailles auront été célébrés ici. Ce n’est pas beaucoup sur le papier… mais pour ceux qui ont vécu ces moments, c’était tout.
Aujourd’hui, la chapelle appartient à la municipalité, qui l’a acquise en 2009 et l’a protégée comme bien patrimonial dès l’année suivante. Plusieurs projets de restauration ont été envisagés depuis, mais le temps semble suspendu ici.
Fermez les yeux un instant. Vous pourriez presque entendre encore la cloche sonner, quelque part entre les arbres. Cette chapelle est un témoin discret, mais tenace. Elle raconte une histoire de foi, de courage et d’attachement à la terre.