Lacs, rivières et premiers ponts de Montfort

Vacanciers devant le rétrécissement du lac Saint-François-Xavier à Notre-Dame de Montfort, près du pont. 1951
Source : BAnQ

C’est principalement autour des lacs que s’est développée l’économie touristique locale depuis la fin du 19e siècle.

« Un caractère particulier à ce canton [Wentworth] est le nombre étonnant de lacs grands et petits qui rendent la surface très compliquée. Ces lacs en général très poissonneux, enchâssés dans des collines couvertes de beaux bois francs ne peuvent manquer de fixer l’attention des citoyens à l’aise qui recherchent un beau site pour une résidence d’été. »

Journal Le Nord, 14 juillet 1881.

Les lacs de Wentworth-Nord ont nourri les peuples qui s’y sont attardés depuis des millénaires. On y trouve l’omble de fontaine (truite saumonée) qui habite les profondeurs fraîches et l’achigan qui préfère les strates plus chaudes. 

C’est principalement autour des lacs que s’est développée l’économie touristique locale depuis la fin du 19e siècle. Malmenés par l’exploitation forestière qui utilisait les cours d’eau pour le flottage, les lacs font aujourd’hui l’objet d’une surveillance attentive de la part des associations de riverains qui sont plus d’une quinzaine à Wentworth-Nord.

En raison de son altitude élevée, Wentworth-Nord présente plusieurs lacs de tête comme les lacs Saint-Victor, Notre-Dame et Fraser qui alimentent le bassin versant de la rivière Rouge et le lac à la Croix en amont du lac Saint-François-Xavier et le lac Gustave qui participent au bassin versant de la rivière du Nord.

Lac Saint-François-Xavier.
Source : L’association du lac Saint-François-Xavier. Photographe: Arianne Beauchamp

Wentworth-Nord compte 105 lacs sur un territoire d’un peu plus de 172 km2. Les rives de soixante d’entre eux sont habitées et seul le lac Saint-François-Xavier est accessible aux visiteurs. Le nom du lac pourrait rappeler le bienfaiteur de l’orphelinat de Montfort qui possédait des lots qui surplombaient le lac : François Xavier Froidevaux, ou encore François-Xavier Garneau (1809-1866) poète et historien canadien connu entre autres pour son Histoire du Canada français et qui donna le nom de Laurentides à la région. 

Mais Saint François Xavier (1506-1552) est aussi le saint patron de toutes les missions catholiques et un fondateur de la Compagnie de Jésus, les missionnaires montfortains ont sans doute apprécié la concordance.

Un coupeur de glace sur le lac Saint-François-Xavier. On voit la scie utilisée pour tailler les blocs et la pince pour sortir les morceaux du lac. Entre 1930 et 1950.
Source : L’association du lac Saint-François-Xavier.

De janvier à avril, il était coutume de couper la glace sur les lacs et rivières du Québec. L’épaisseur de la glace devait atteindre près de 50 cm afin de supporter le poids des chevaux et des traîneaux et plus tard des camions dans lesquels on chargeait les blocs. Lors de leur entreposage dans un grand bâtiment appelé glacière, les blocs étaient ensevelis sous la sciure de bois pour ralentir leur fonte. Ces glacières qui existaient déjà au temps de la Nouvelle-France permettaient la conservation des aliments durant les saisons plus chaudes.

Du milieu du 19e siècle jusqu’à l’avènement de l’électricité et l’adoption généralisée des réfrigérateurs, chaque famille possédait sa glacière : un meuble de bois avec intérieur en métal dans lequel on insérait un pain de glace d’environ 13 kg qui était remplacé tous les deux ou trois jours.

Le bateau-dragon du club de canoë-kayak Viking.
Source : Club de canoë-kayak Viking

Le lac Saint-François-Xavier fait 3,5 kilomètres de longueur, il est orienté est-ouest et offre peu de vents de travers. Ces conditions sont idéales pour le club de canoë-kayak Viking, le seul club de canoë-kayak de vitesse des Laurentides. Cet organisme à but non lucratif fut fondé en 2001 par Lou Lukanovich, un ancien athlète et entraîneur aux Olympiques de 1972 et 1976, avec l’aide de son épouse Jean, Vicki Clark, Judy Rogers et Wilma Wiemer. Le club est ancré près du Pavillon Montfort et présente un programme pour tous les âges et pour tous les niveaux, récréatif ou compétitif. 

Le club Viking a remporté le Burgee et la coupe Canmas (championnats canadiens de maîtres) à sept occasions lors des championnats nationaux de canoë-kayak de vitesse.

Le lac Notre-Dame en avant-plan.
Source : Association du lac Notre-Dame

Au sud du lac Saint-François-Xavier se trouvent le lac Saint-Victor et le lac Notre-Dame connu anciennement sous le nom d’Indian Lake. Vers la fin du 19e siècle, des camps de bûcherons de la Laurentian Lumber s’y étaient installés pour y couper les grands pins blancs. Le pourtour du lac s’est rapidement déboisé et les chalets sont apparus progressivement dès le début du 20e siècle.

La famille Crook fut parmi les premières à y faire l’acquisition d’une maison d’été en 1910 :

« À l’époque, les propriétaires de chalets prenaient le train de Montréal, changeaient pour le chemin de fer de colonisation à Piedmont, et descendaient à Montfort. Les femmes changeaient leurs longues robes pour des vêtements de campagne dans le vestiaire de la gare. Tout le monde prenait ensuite son sac à dos, sa nourriture, son kérosène et partait avec enfants et chiens pour une randonnée de deux miles (3,22 km) le long d’une route très accidentée jusqu’à Indian Lake. 

La route [..] était souvent inondée au bord du lac Wheeler. De là, un sentier s’enroulait au-dessus du ruisseau Franklin et suivait la route actuelle. Des chemins latéraux descendaient jusqu’à chacun des chalets qui bordaient la rive nord de la baie orientale. 

Tous les gros objets devaient être apportés sur des traîneaux au printemps, avant la fonte des neiges, ou sur le chariot à bœufs de M. Dionne surnommé “l’ermite de Montfort”. Ils étaient ensuite transportés jusqu’au lac et ensuite par radeau jusqu’aux chalets. Ce n’était pas toujours réussi - un poêle appartenant aux Garneys a coulé quelque part dans notre baie.» 

Louisa Crook Teron.

Chalet de Lucien Dansereau sur le lac Dansereau, aujourd’hui la propriété de la Compagnie de Jésus.
Source photographique: Jean-Pierre Bonin

Certains lacs de Wentworth-Nord arborent le nom d’anciens riverains comme le lac Fraser dont le nom provient d’Ewan Fraser qui obtint de la Couronne un lot de 84 acres au coût de six livres sterling et trois shillings en 1858.Le lac Grothé tient son nom de Félix-Avila Grothé (1862-19330) un entrepreneur en construction, maire de Cartierville de 1912 à 1916, qui acheta en 1922 le lac noir dont il changea le nom en 1926. Au centre du lac se trouvent deux îles qu’il offrit à son ami le maire de Montréal, Médéric Martin.

Le lac Dansereau à Saint-Michel-de-Wentworth est surplombé d’une grande villa qui appartenait à Lucien Dansereau (1886 -1967), ingénieur et directeur des Travaux publics pour le gouvernement fédéral.

C’est dans ce chalet que se dessina l’alliance politique entre le Parti conservateur du Québec et l’Action libérale nationale qui devait mener Maurice Duplessis au pouvoir en 1936.

Le frère Dominique, Pierre Dansereau, le frère Alexandre, Henry Teuscher, le frère Marie-Victorin, le frère [U.-G. ?] et Lucien Charbonneau à Saint-Michel-de-Wentworth, 1936.
Source : UQAM

Lucien Dansereau était le père de Pierre Dansereau (1911-2011) un scientifique et humaniste qui a développé la pensée écologiste au Québec. Il a laissé son empreinte dans une multitude de domaines tels que la biogéographie, l’écologie urbaine et humaine et l’aménagement du territoire. Dans les années 1940, Pierre Dansereau travaille auprès du Frère jésuite Marie-Victorin directeur 
du Jardin botanique de Montréal. 

Les jésuites achètent la propriété de la famille Dansereau en 1944. Une clause dans l’acte de vente stipule qu’une partie de la forêt doit être conservée de façon intégrale « à l’usage des travaux scientifiques de Pierre Dansereau, biogéographe ». Le ministère des Forêts a déclaré Écosystème forestier exceptionnel (EFE) cette érablière qui n’a subi aucune intervention humaine. La zone protégée a depuis été triplée par la Municipalité régionale de comté des Pays-d’en-Haut. Grâce à la préservation de cette forêt et l’absence de riverains, à l’exception de la villa jésuite, le lac Dansereau est un des lacs les plus sains de Wentworth-Nord.