Une passion nommée ski

Herman Smith-Johannsen, Norvégien d’origine, est une des figures emblématiques du développement du ski nordique dans les Laurentides. L’histoire a retenu l’image d’un homme remarquablement alerte qui parcourait encore les sentiers à 100 ans. Il est déjà quinquagénaire lorsqu’il s’établit à Piedmont et qu’il se fait connaître en tant qu’ingénieur de ski. 

La fin des années 1920 jusqu’au début de la deuxième guerre en 1939 est une période d’engouement pour la pratique de ce sport introduit par des immigrants norvégiens, suisses et d’autres pays européens dès la fin du 19 e siècle. Smith-Johannsen est à son aise dans l’environnement montagneux des Pays-d’en-Haut, il guide les nouveaux adeptes et conseille les propriétaires de stations, il élabore des pistes et construit des sauts à ski.

Carte des sentiers de ski de fond
de Georges F. Hemsley, 1940

En 1929, l’Association des hôteliers des Laurentides (Laurentian Resorts Association) l’engage pour tracer et entretenir les pistes de ski nordique autour des hôtels. De 1932 à 1935, avec l’aide de son fils, il défriche un sentier qui devient la colonne vertébrale d’un vaste réseau qui relie nombre de villages de Prévost (anciennement Shawbridge) à Labelle, c’est le sentier «Maple Leaf».

Armés de scies à main et de haches, bien des traceurs bénévoles ont contribué à ces 1600 km de sentiers que l’on voit cartographiés ici par Hemsley en 1940. Plusieurs d’entre eux comme les Gillespie, Loken et Fortier sont intronisés au Musée du ski qui a pignon sur rue à Saint-Sauveur.

Piedmont n’est pas sur le sentier de la Maple Leaf, mais ses escarpements sont traversés par les pistes Johannsen Est et la MOC. Ces deux pistes partent de Shawbridge et se rendent alors jusqu’à Sainte-Marguerite-Station où elles rejoignent la Maple Leaf. Elles ont été tracées par Smith-Johannsen et les membres du McGill Outdoors Club, un club d’étudiants de l’université McGill.

La piste du McGill Outdoors Club (MOC) dans la réserve naturelle Alfred-Kelly.
Photographe: Barclay Fortin, 28 février 2015

Aujourd’hui, bien des tracés ont disparu. Le prolongement de l’autoroute des Laurentides entre Saint-Jérôme et Sainte-Adèle en 1964 a grandement modifié le paysage en empiétant sur les sentiers dont la célèbre Maple Leaf. L’étalement urbain a de son côté grignoté plusieurs sections coupant les liens entre les différents villages. Le désir de skier à travers les bois d’un village à l’autre ne s’est pas évanoui pour autant, il s’est même avivé depuis la dernière décennie et se concrétise par la restauration de tracés locaux. Depuis 2013, le ski de fond, le ski nordique et le saut à ski sont maintenant inscrits au patrimoine culturel du Québec en tant que patrimoine immatériel offrant un argument supplémentaire pour le rétablissement d’une piste à l’image de la Maple Leaf.

Sur les escarpements de Piedmont, la Johannsen Est et la MOC ont échappé à l’oubli, car une portion des sentiers est intégrée à la réserve naturelle Alfred-Kelly.

Classique Jackrabbit 2023.
Photographe : Jean-Marie Savard

À l’occasion du 100e anniversaire de Piedmont en 2023, Herman Smith-Johannsen devient officiellement une figure historique du patrimoine de Piedmont inscrite au Patrimoine culturel du Québec. Le souvenir de «Jackrabbit» demeure bien vivant avec les nombreux événements qui portent son nom, comme le Smith-Johannsen Loppet* de 20 km, organisé par le club de Ski Viking de Morin-Heights et la Classique Jackrabbit du Red Birds Ski Club à Mont-Tremblant, un événement d’une journée, avec des courses de 60 km, 40 km et 20 km pour tous les niveaux.

* terme scandinave qui désigne un grand rassemblement de skieurs pour des courses de distances variées.