Autour du grand ruisseau

Une planche de salut pour les colons

Source : Piedmont en 1898. BAnQ


L'industrie forestière

L’industrie forestière est étroitement associée aux cantons du Nord. Dès le 19e siècle, elle est considérée comme une source importante de revenus pour la province de Québec. C’est aussi une planche de salut pour les colons dont les terres ne sont pas assez productives — l’été on travaille aux champs et l’hiver au bois ou au moulin à scie. La ressource est abondante, mais une fois les parcelles défrichées pour la culture, il faut aller de plus en plus loin pour répondre à la demande croissante du marché américain.

Au 20e siècle, les petites scieries locales se spécialisent dans le bois de sciage, et le train assure un accès rapide aux grands centres comme Saint-Jérôme et Montréal où sont vendus les bardeaux et le bois franc.


La famille Guénette

Philias Guénette et deux de ses fils devant l’entreprise familiale à Morin-Heights.

Le dernier moulin à scie de Piedmont est construit en 1937 par Lionel Guénette (1910-2006) sur le Grand Ruisseau. M. Guénette est issu d’une famille qui a une grande expérience dans la transformation des produits forestiers. Son père Philias possède un moulin à scie à Morin-Heights et a initié tous ses garçons à la scierie. Lionel avait 12 ans lorsqu’il a quitté l’école pour travailler au moulin. 

* «… quand j’ai commencé, j’étais trop petit pour prendre les grosses croûtes (les écorces), il [père] avait engagé Adrien Bélisle, lui il était fort comme un cheval tu comprends, il me laissait pas attendre, vite il la prenait, la croûte et s’en allait avec. Autrement j’aurais pas été capable, c’était au bout de mes bras, pis c’était ben trop pesant.»

Il n’est pas rare que les moulins à scie partent en fumée. Il suffit d’un peu de friction, de chaleur, une étincelle pour que la sciure de bois s’enflamme. M. Guénette se rappelle comment à l’époque son père avait perdu son moulin à scie.

* «À Piedmont dans le temps, un monsieur Foisy avait également un moulin à scie. Malheureusement, le moulin a été emporté par l’eau au printemps en 1912. Il est venu à Morin-Heights pour acheter le moulin de mon père. Le docteur avait dit à mon père de lâcher de travailler comme ça, toujours au-dessus de l’eau, qu’il allait avoir du trouble avec ses poumons, il crachait souvent du sang, dans ce temps-là. 

Tu serais mieux de vendre ça”. Comme de fait, il a vendu à monsieur Foisy qui l’a payé avec une auto, il lui a donné ça en acompte. Pas plus que 5 à 6 mois plus tard, le moulin a passé au feu. Comme monsieur Foisy n’avait pas d’assurances, mon père a tout perdu, il a eu juste l’auto. Après ça, mon père a travaillé pour Jos Seale à son moulin, lui en plus il avait un planeur et il  Faisait du bardeau. Mon frère [Marc] travaillait déjà pour lui. Marc est presque deux ans plus vieux que moi.

Après avoir fini au moulin à Jos Seale, mon père Philias a acheté la manufacture à mon oncle Émile qui faisait des portes pis des châssis. Deux ans après, mon père s’est bâti un autre moulin à scie, sur la même rivière.»


Un moulin sur le Grand Ruisseau

La Presse, Montréal, Dimanche 12 octobre 1997. Publication pour l’anniversaire de mariage de Lionel Guénette et Gabrielle Léonard

Deux frères de Lionel Guénette, Hervé et Fernand, reprendront quelques années plus tard l’entreprise de Philias, alors que son frère Marc construit son propre moulin à Mont-Rolland sur le ruisseau Saint-Louis. Marié depuis cinq ans et avec 35 $ en poche, Lionel quitte Morin-Heights pour Piedmont.

* «Le 17 juin 1937 […] j’ai acheté le lot 64 appartenant à Sinaï Constantineau, pour 500$, contrat passé devant le notaire Armand Brien. J’ai donné la somme de 150$ et la balance 100$ par année plus les intérêts à 5 %, dont le premier paiement dû le 18 juin 1938. Pis je me suis mis à l’ouvrage, j’ai tout bâti ça moi-même : la maison, le barrage, la conduite forcée et le moulin.»

Le dernier moulin à scie et à farine de Piedmont

Moulin à scie de Lionel Guénette sur le Grand Ruisseau à Piedmont circa 1940.
Une autre belle lignée…les Guénette dans La Mémoire no.106, 2008.

* «… les cultivateurs venaient faire moudre leur grain, ils me payaient avec une ou deux terrines selon la grosseur des sacs de grain, ils n’avaient pas d’argent, fallait accommoder le monde. Plus tard, j’ai arrêté de moudre du grain, mais en plus de scier le bois, j’ai fait du bardeau, on le vendait 0,75 cents la caisse; je pouvais en faire cinq caisses par jour.

Le bois franc était surtout vendu à Montréal, on profitait du chemin de fer. Au commencement, tout le transport des billots et la livraison du bois de chauffage se faisaient avec des chevaux. Quand j’ai eu assez d’argent, j’ai acheté un camion, un International, 3 854 $.»

Au fil du temps l’entreprise de M. Guénette prospère. La fabrication de bardeaux est abandonnée dans les années 1950 et, une dizaine d’années plus tard, il fonde la compagnie Guénette et Fils puis le Centre de construction Morin-Heights en association avec Maxime et Alphonse Gratton. Le moulin à scie est démoli en 1985, mais des vestiges tels que le barrage et le puits de la turbine sont encore visibles.

* Extrait d’une entrevue de Lionel Guénette par sa fille Claire, publiée dans la revue La mémoire, printemps 2008, no. 106.

Extrait de
Circuit du centenaire de Piedmont

Circuit du centenaire de Piedmont image circuit

Présenté par : Municipalité de Piedmont
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