Au sommet du Cap Trinité, une géante silhouette blanche veille sur le fjord depuis plus de 140 ans : Notre-Dame-du-Saguenay. Majestueuse, immobile, elle semble faire qu’un avec son promontoire. Derrière cette œuvre monumentale se cache une promesse… et une incroyable aventure humaine!
Tout commence en 1879. Charles-Napoléon Robitaille, commis-voyageur de métier, traverse les glaces du Saguenay avec son cheval et sa voiture. Soudain, la glace cède. Tout s’effondre. Dans l’eau glaciale, croyant sa fin venue, Robitaille implore la Vierge Marie de le sauver. Miraculeusement, il parvient à regagner la rive avec son attelage. Mais à peine revenu chez lui, un grand mal s’empare de lui : une rupture de veine dans l’estomac. Une nouvelle fois, il s’en remet à la Vierge, lui demandant dix années de vie pour élever ses enfants. Il promet, en retour, un geste en son honneur. Le lendemain, il est guéri.
Fidèle à sa parole, Robitaille lance en 1880 une campagne de financement pour ériger une statue monumentale à Sainte-Anne de Chicoutimi, près du lieu de son naufrage. C’est en fait Monseigneur Dominique Racine qui influencera l’emplacement final. Selon lui, il vaudrait mieux que qu’elle trône à l’entrée du Fjord, en hauteur, afin de veiller sur les navigateurs et les voyageurs. Sans attendre la fin de la souscription, Robitaille fait appel au sculpteur Louis Jobin, qui réalise une œuvre de plus de sept mètres de haut, creuse à l’arrière pour en alléger le poids, recouverte de plomb et peinte en blanc. Avant d’atteindre son perchoir, Notre-Dame du Saguenay est exposée à Québec et Montréal pour récolter les fonds nécessaires à son financement.
L’ascension vers le sommet du Cap Trinité est une véritable épopée. La paroi du Cap Trinité rend impossible l’accostage d’un bateau à vapeur. L’œuvre, en trois morceaux, est alors transportée jusqu’à L’Anse-Saint-Jean, mise à l’eau puis tirée sur plus de 14 kilomètres à travers le fjord par deux hommes en chaloupe. Après une première tentative infructueuse de hisser l’une des trois parties de la statue par l’entremise d’un palan, l’œuvre est finalement divisée en quatorze morceaux et montées à l’aide d’un palan à la force des bras par une dizaine d’ouvriers. Finalement, l’opération dure huit jours d’efforts titanesques sans qu’aucun incident fâcheux ne soit rapporté. Le 15 septembre 1881, la statue est enfin bénie.
Au fil du temps, Notre-Dame-du-Saguenay subit les assauts du climat. Plusieurs restaurations sont nécessaires : le piédestal est refait en ciment, le bois pourri remplacé, la peinture rafraîchie. En 2008, une restauration majeure lui redonne son éclat d’origine. Et en 2009, la Monnaie royale canadienne lui rend hommage avec une pièce de 25 cents à son effigie.
Aujourd’hui, la statue est bien plus qu’un monument. Elle est le symbole d’une foi, d’une promesse tenue, et d’un lien indéfectible entre les hommes, la nature et l’espoir.